Automne dans le sud-Jura

Automne dans le sud-Jura

 

Des années que la réputation de Saint-Claude parvient à nos oreilles. La Vouivre, le Trou de l’Abîme, le Pont du Diable, le Crêt Pourri, ces noms agissent comme d’étranges talismans, piquant notre curiosité. Six mois après la découverte du secteur de Lons-Le-Saunier et de Baume-Les-Messieurs, nous nous établissons quelques jours à Saint-Claude dans l’espoir que les pluies torrentielles de ces derniers mois mettent en valeur ses cascades. Par ailleurs, la proximité du Crêt des Neiges, point culminant du Jura, nous offre d’autres options. Les gorges de l’abîme, hélas condamnées, toujours en cours de rénovation après un effondrement en décembre 2023, nous infligent d’emblée une cruelle déception, mais nous nous consolons avec les troncs moussus des forêts voisines, semblables à des totems velus, tandis que la gadoue nous colle aux pieds, prenant parfois une ampleur « Woodstockienne ». Il y a quelque chose de tropical dans le micro-climat Jurassien. Et pourtant, l’eau manque en ce milieu d’automne, alors qu’une goutte froide peu ordinaire ravage le sud de l’Espagne; c’est un temps sec qui nous attend pour la semaine entière. Le débit des torrents affiche une triste moue. Qu’à cela ne tienne, l’arrière-pays nous tend les bras…

 

J-1 Première approche : La cascade de la Queue de Cheval

Très peu d’eau, donc… Mais où vont donc se baigner les éléphants par ici?

Heureusement, en venant constater par nous-mêmes la fermeture du Trou de l’Abîme, nous descendons admirer la cascade des Combes. Beaucoup plus modeste sur le papier que sa consœur la Queue de Cheval, celle-ci brille de mille feux dans la lumière du soir.

Arrivés à 14h30 sur place, il doit nous rester une bonne heure de luminosité; aussi décidons-nous d’explorer les cascades de Pissevieille.

Dont voici la première, pas franchement encourageante. L’obscurité gagnant du terrain, et l’orientation posant un certain nombre de problèmes (j’en parlerai plus loin) nous renonçons à découvrir les sauts supérieurs. Une autre fois peut-être. Nous verrons bien!

Dernier regard sur le pont enjambant la Rixouse (Au même instant, un petit rot de l’Etna se produit, Lowotobi Laki-Laki entre en fureur sur la ceinture de feu du Pacifique- le Fagradalfjall poursuit son échappée en solo)

 

J-2 Sentier des Chamois + Cascade de la Queue de l’âne + Cascades de Pissevieille (suite et fin)

Hélas pour nos genoux, le Sentier des Chamois débute par une descente- plutôt raide et friable, quoique sans difficulté. De potro minet, nous tombons nez-à-nez sur la belle cascade du Moulin d’Aval.

Cascades du Flumen, point d’orgue de la marche

Peu d’eau, beaucoup d’effet!

Bon, ce n’est pas qu’on s’ennuyait sur la sente remontant en forêt, mais on n’a pas pu s’empêcher de repartir grenouiller le long d’une gorge. Petites découvertes sympathiques: Grottes, toboggans, marmites de géants…

Retour à Septmoncel par un petit sous-bois charmant. Pour résumer, 16,6km de marche, faits en 4h40. Le tracé est aisé à suivre, pas de grosses difficultés d’orientation. Nous avons ajouté 1 ou 2 km pour découvrir des pistes moins fréquentées, encore qu’à cette période de l’année nous n’ayons croisé qu’une poignée de personnes. En ce qui concerne l’intérêt de la sortie, il est très élevé dans la première partie (en gros, les 8 premiers kms, allant du belvédère des Grès à celui de la Roche Blanche) puis il décroît assez nettement dans la seconde, avec de longues portions sur la route, dépourvues de charme. En cherchant à mettre d’accord l’athlète et l’esthète, disons que nous nous serions bien contenté d’une boucle entre les cascades du Flumen et la Roche Blanche (ça tombe bien, elle existe!). Pour finir, l’aspect vertigineux est une pure fiction, inventée de toute pièce. La seule difficulté provient de la descente initiale, pentue et caillouteuse; avec les précautions habituelles ça déroule très bien.

N’étant pas vraiment rassasiés, nous partons explorer le sentier menant à la cascade de la Queue de l’âne. Lequel présente une difficulté technique supérieure au mal nommé Sentier des Chamois, sans danger toutefois.

Hourra, la cascade est en eau! La Queue de l’âne serait-t-elle plus épaisse que la Queue de Cheval?

Puis nous retournons aux Pissevieille, dont le nom peu sexy nous attire toutefois. Blague à part, l’endroit avait quelque chose d’envoûtant; nous poussons un peu plus loin et finissons par découvrir les sauts supérieurs…

Pas très en eau, hélas. Pour atteindre cette zone, laisser le cours de la Rixouse sur votre gauche et suivre le balisage bleu sur les arbres, discret mais constant.

Le plus haut saut (70m) fut hélas remis aux calendes. A l’approche de la Toussaint la Vieille ne pisse plus haut?

L’eau ne coule plus sous les ponts…

Pierre qui gouille n’amasse pas mouille… D’un côté, on ne peut qu’être déçu de la sécheresse, visuellement c’est beaucoup moins captivant, mais pouvoir marcher en short et en t-shirt, c’est bien sympa quand même…

 

J-3 Cascade de Douvres, cascade de Vulvoz, gorges d’Orvaz Belleydoux, cascade de la Touvière, gorges du Val d’enfer.

Petit matin brumeux: La pluie va-t-elle enfin finir par tomber?

Voici la cascade de Douvre, ouvrant le bal nautique de cette troisième journée

L’environnement toujours aussi biscornu…

Nous grimpons au-dessus de la vallée de la Bienne, sur un sentier quelque peu embroussaillé qui nous rappelle l’ïle de la Réunion

Purée, mais c’est dingue… On se croirait à Salazie!

Ensuite on glisse vers la cascade de Vulvoz (abusivement annoncée « propriété privée » par le site « cascades de France » pourtant si remarquable). L’endroit est tout simplement magique!

Un lieu sauvage et préservé, surmonté d’un vieux moulin en ruine

Troisième étape: Les gorges d’Orvaz-Belleydoux. Une petite trouvaille intimiste, sans prétention…

La progression dans les gorges d’Orvaz-Belleydoux se heurte brutalement à un chaos d’arbres couchés et de fagots entassés formant un barrage de fortune. Nous n’avons donc pas poursuivi la marche le long de la Semine (dommage pour les cascades): L’eau faisait cruellement défaut à cet endroit.

Ce fond de vallée, surtout connu pour le cirque d’Orvaz, transpire la sérénité

Petite cascade de bord de route… Le temps d’un café à l’approche de Nantua

Juste en contrebas d’une route nationale, la cascade de la Touvière

Marmite de géant le long des Voiles du Landeyron

Le Voile réduit à peau de chagrin

Enfin, nous atteignons les rives de l’Oignin et du Val d’Enfer, à hauteur de la Centrale des Trablettes. Une sente dangereuse, vertigineuse et escarpée s’entortille entre les troncs moussus, menant à ce point de vue modeste. Je ne conseille à personne d’utiliser la cordelette laissée à la jouissance du promeneur (si le terme convient) dont on peut se demander combien de temps elle tiendra (et qui l’a installé); en tout cas, c’est le premier vrai risque que j’ai couru ici, pour ce piètre cliché…

Coucher de soleil sur le lac de Nantua

 

J-4 Hauteurs de Cerdon, à la quête de la Fouge, canyon de Charabotte, chute de la Mélogne, Trou de la Marmite, Puits des Tines, cascade de Clairefontaine

Alors comment vous dire…? Nous n’avons pas démarré au bon endroit la rando conduisant à la Fouge: Résultat, on s’est tapé une descente dans les feuilles mortes, suivie d’un crapahut héroïque entre les troncs couchés. Une explo toute en contorsions, sur les hauteurs de Cerdon, en quête d’une chute d’eau fantomatique.. et interdite! Le parcours, truffé de grottes, fut acrobatique. Arrosé de faux-pas, de glissades, d’errances dans les ronces. On a bien ri, mais j’en ai déchiré mon falzar. Blague à part, l’endroit est semble-t-il délaissé. Et pour cause, comme nous l’apprendrons plus tard, une série d’accidents funestes a conduit à son déclin. On rapporte toutefois (et il suffit, pour en juger, d’aller faire un tour sur les réseaux sociaux) que la cascade et ses bassins attirent de très nombreux visiteurs en été. Nous n’avons pas croisé âme qui vive sur cet itinéraire, engagé et hasardeux…

Sur les hauts de la Fouge, ni notre fougue ni les coordonnées GPS ne nous furent d’un grand secours. Il nous fut impossible d’admirer la cascade et son saut de 60m. Qu’importe, la recherche d’itinéraire fut amusante!

Soit dit en passant, on ne regrettera jamais une exploration: C’est le sel même de nos escapades!

Dans la foulée, peu avant midi, nous arpentons de petites routes à la recherche de la cascade de Charabotte: La plus haute chute d’eau du massif du Jura n’offre clairement pas son plus beau profil, mais la simple vue des parois calcaires du plateau d’Hauteville (une merveille où nous reviendrons) nous contente largement…

La Charabotte est classée depuis 1909 « monument naturel de caractère artistique »… Seul hic, régime sec!

En escaladant un talus, on s’offre cette vue imprenable sur l’Albarine

Seconde chute du plateau d’Hauteville: La Mélogne

La cascade à sec du Trou de la marmite

La chute du Trou de la Marmite était aussi sèche que mon gosier après une bonne cuillère de beurre de cacahouète. Préférez-y les lendemains de pluie!

On se console en remontant le torrent de la Mélogne et ses nombreux sauts (après l’avoir descendu, il va de soi)

Et puis, hallelujah, le miracle se produit! Juste au seuil du hameau de Lilignod, l’eau s’écoule librement dans le Séran, affluent du Rhône. Le Puits des Tines se distingue de beaucoup d’autres cascades par son agencement géologique, ses trous par lesquels dévalent l’eau d’une façon très singulière. Et franchement remarquable!

Difficile de quitter ce lieu enchanté!

Notre gîte rural se situant à quelques kilomètres, nous parachevons cette belle journée par une brève sortie de route, à la Clairefontaine

De longs voiles s’étirent sur les tufs duveteux, la nuit pointille à la cime des arbres

 

J-5 Cascade des Dards, Cascade Glandieu, étang du Furon et cascade de la Roche. Puis retour (snurf)

La brume de l’aube confère à la campagne une étrange majesté, comme venue des limbes

Et dire que ce soir nous retrouverons nos chères pénates, les gaz carboniques et les panneaux publicitaires…

Jusqu’à ce qui fut pour nous le pompon, le fin du fin, le clou du spectacle… La cascade des Dards.

Et non loin de là se trouve une autre beauté, coiffée de tufs épandus, nimbés de brume: La cascade Glandieu

Une vraie curiosité, située au beau milieu d’un village!

L’impression fut plus mitigée qu’à la cascade des Dards. On recommande tout de même!

Les cyprès chauves de l’étang de Furon m’ont en revanche bien inspiré; ses couleurs vives égayant la grisaille

La cascade de la Roche, deuxième du nom, se trouve sur le même site

L’étang fait l’objet d’un conflit de propriété entre deux communes: L’accès à la forêt flottante ressemble à un jeu de piste dans les marais.

                                                                 Question: Pourquoi avoir si longtemps ignoré le Jura? 

D’abord parce que les Alpes nous accaparaient. Ensuite parce qu’on pensait n’y trouver que des forêts de sapins à perte de vue et de petites montagnes étriquées.

 Je le confesse d’autant plus facilement qu’aujourd’hui, je ne conçois pas une année sans au moins réfléchir à un bref passage dans ces contrées. 4h de route et on se retrouve dans un monde enchanté de forêts féériques, de gorges escarpées, encloses dans une géologie propice à la rêverie. Parmi les forêts vierges de la planète, les lauriers primitifs de la Gomera ou les eucalyptus de Madère, il faut compter les silves karstique du Jura. 

Quelle joie de se faufiler parmi ces essences, à plus forte raison en automne! Nos coups de cœur de la saison ont été: La célèbre cascade des Dards, le charmant Puits des Tines, la cascade de Vulvoz et dans une moindre mesure, les chutes du Flumen et l’étang du Furon. Il aura fallu composer avec le manque d’eau: Et en définitive, les marches panoramiques ne nous ont pas manqué, troquant les belvédères contre les belles voies d’eau. Reste à découvrir le Jura Suisse! 

 

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