Islande – Terre de feu et de glace

Islande – Terre de feu et de glace

Une Dacia 4×4, un réchaud, une soif de découverte à toute épreuve… Islande, nous voilà! Typiquement le genre de pays dont on peut se méfier en raison de sa popularité fulgurante. Mais voilà, la foule ne se trompe pas toujours! Quoiqu’il en soit à force de se retenir de tomber de sa chaise en regardant des docus à la télé, Reykjavik n’étant qu’à trois heures de vol de Paris, on a fini par faire nos valises: La curiosité l’a emportée. Mieux vaut tard que jamais, mais se rendre en Islande a un prix. La facture peut être salée, s’agissant du troisième pays le plus cher au monde! Pour éviter la saignée, il est possible jusqu’à un certain point de compresser le budget. Or, comment faire? Rogner sur l’équipement? Sûrement pas. J’en parlerai plus tard, mais le nôtre n’a pas été suffisant, loin de là. Le froid est une chose, l’humidité une autre et attendez-vous à un niveau inconnu. Quant au vent… Enfin, pour être clair, on en a bavé. Manque de lumière, doigts de pieds gelés, chaussures trempées du matin au soir, nous sommes tombés dans le « piège Islandais ». Tombés, oui, mais tombés en extase, tombés fous amoureux… C’était parfois très dur mais toujours magnifique! Quant au budget, il plafonnait au minimum syndical: C’est pourquoi nos nuits se sont passées d’abord sous la tente, le premier jours (avant de connaître la bécasse des marais) puis, dans la voiture- qui s’avéra, sur le long, notre auberge all inclusive, douillette, coquette et parfumée.

Haifoss: Une claque monumentale dès le deuxième jour

Laugavegur: marche sur un océan de rhyolite qui a réveillé notre flair d’orpailleur

Péninsule de Snafellsness. Simple cascade au bord de la route

Rhyolite, obsidienne… Dans le Landmanalaugar, le sol déploie une mémoire astronomique

Glymur – ou le souffle païen

Hveradalir – un volcan au sommeil léger

Sentier des cascades de Skogar à Porsmork

Méfiez-vous de l’eau qui dort

Son réveil peut être brutal

Kvislarvatn: A la recherche de l’oiseau rare

L’une des multiples cascades au-dessus de Skogafoss

Neige, souffre, magma… Des éléments conflictuels s’harmonisent

Bizarrerie magmatique

Nuit blanche: 4h du matin. Le café attendra.

Le ventre de la bête

Le fameux soleil de minuit peut rendre fébrile, au début…

Un cairn visible par satellite

Grimpette matinale

Nature surpuissante

Bien que fragile et innocente

Le cœur de l’île n’a rien d’un écoumène. Jamais colonisé par l’homme, il forme un gigantesque no man’s land.

Promenade matinale face au Myrdalsjökul

Une embellie luxueuse sur Pagkill

Les plissements terrestres de Hveradalir

Glymur me rappelle le Bras de Caverne et le Trou de Fer sur l’île de la Réunion

Myrdalsjökul, de bon matin

Sur l’île de feu et de glace, l’eau est un peu pressée

Pressés, nous ne le sommes pas..

Chemin des condamnés à Pingvellir, parlement primitif

La célèbre et facile d’accès Svartifoss

Joie enfantine de voir la neige

Collines de rhyolites

Vue sur le Landmanalaugar depuis le Brennisteinsalda

Un petit bain chaud en milieu de rando

Les rivières jouissent d’un lit king size tant leur débit peut varier

Coupe transversale d’un glacier

Cheminer dans l’aube des temps

Les rayons bleus n’étant pas absorbés, ils sont réfléchis malgré le gris du ciel

Le manque de soleil peut exister, mais le paysage n’en souffre pas autant que nous…

Le vent par contre est un fléau mettant les nerfs à rude épreuve

Avec de telles rafales, une portière peut devenir un objet dangereux. Je me souviens du nombre de fois qu’il m’a été presque impossible de faire bouillir de l’eau à l’aide de notre réchaud, tant cet élément est présent, et par endroit, déchaîné.

Nous avons vu un homme se faire plaquer par une bourrasque et se retrouver les quatre fers en l’air. Par endroit, il était impossible de prendre une photo.

Tranquille plage de Vik pas franchement bondée en ce début du mois de juin

D’infimes icebergs flottent comme des rêves, des abstractions éphémères…

Cet envoûtant névé me fait penser à l’œil d’Horus

Le gouffre aux oiseaux. Il faudrait des chapitres entiers pour ne serait-ce qu’effleurer la présence des oiseaux. La plupart migre des Amériques, d’autres viennent d’encore plus loin. Sterne Arctique, Pluvier doré, macareux moine, fuligule morillon, grèbe esclavon, ou encore le magnifique Eider, au plumage tant prisé. Il nous faudra en reparler plus loin.

Un paysage immobile de débâcle glaciaire

L’eau coule paisiblement; le portail est ouvert

Belle vasque et vol de mouette

On ne le présente plus: Un des paysages emblématiques d’Islande depuis la série Game of Throne

Shooting photo en plein air, à Arnastapi, pour sceller une union. Une pratique courante en Islande.

Un bain vous tente-t-il? L’eau est à quarante.

Rive droite ou rive gauche: Il faut choisir son camp.

Par ici, le vent vous cisaillait les doigts

Un peu de grain s’annonce: Au premier plan, le traditionnel lupin dont les sols se tapissent…

Un effondrement du cône volcanique a créé une vallée sertie de pierres précieuses.

Site de Pingvellir

Fragment de la côte sud.

L’écorce est assez joueuse

Pas le genre d’endroit où se promener en espadrilles…

L’envol gracieux d’un paille-en-queue

On finit par en oublier le nom… Celle-ci est l’une des cascades les plus mémorable du sentier partant de Skogar et menant à Baldvinsskali. Son nom n’excède pourtant pas les six ou sept syllabes.

Montagnes multicolores du Landmanalaugar

Le glacier a craqué sous nos yeux, d’immenses plaques se sont décrochées dans un fracas tonitruant.

Même quand la nuit ne tombe jamais, on assiste à des « levers de soleils »

Ces immenses zones inondables appelées débâcles glaciaires peuvent recouvrir des dizaines de kms, jusqu’à la mer.

Godfoss, lors d’une brève incursion au nord-est.

Un petit air de fin du monde…

Ou d’éternel recommencement…

De l’eau à n’en plus finir…

Immense débâcle glaciaire formant ces stries ondoyantes… Dans la descente de Kristinatindar

Kvernufoss. Cascade réputée confidentielle mais qui ne l’est plus tant que ça (5min de la route). A force de parler de « trésor méconnu », de « beautés secrètes », elles ne le restent plus très longtemps…

Ériger la cascade au rang d’œuvre d’art… Vous avez la parole, maître. Imaginez le rugissement!

Édifices de glace, œuvres d’art éphémères..

Gorges étroites d’Arnastapi pour une séquence spéléo improvisée

Hveradalir: Hot-spot géo-thermique

Lutin rouge sur croupe de mousse

J’ai beau me concentrer, je ne parviens pas à appréhender ce paysage. Quelque chose m’échappe. Peut-être l’absence de lignes de force, de perspective claire. Pour être honnête, je ne pense même pas à une planète étrangère ou à un autre espace naturel bien identifié: Ce paysage n’est que ce qu’il est.

Despotisme de la matière: L’accepter c’est commencer à se sentir léger. Que peut l’esprit sans son vaisseau?

Champ de lave de Snafellsness. Attention: Bonnes semelles exigées.

Nos nuits miniatures aux Landmanalaugar

Cravate d’eau sur costard de basalte

Notre cascade coup de cœur en Islande (exæquo avec Haifoss): La mirifique Glymur

Bon, par où commencer? D’abord nous dormons comme des bébés dans notre voiture (un 4×4 Dacia Duster), pour ensuite nous réchauffer, par un petit jogging d’un quart d’heure dans ces environnements irréels, décrassage auquel succède une collation et un café; par cette routine bien huilée, nous gardons suffisamment d’énergie pour affronter les éléments sauvages, de plus ou moins grande intensité: Le temps peut se gâter très vite ici (nous l’avons vu) et mieux vaut rester alerte d’ici la prochaine douche au lavabo dans une station service…

La nature scrute nos limites physiques, observe nos failles, éprouve nos faiblesses. Cette mère Spartiate nous glisse parfois un renard sous la capuche, mais d’autres fois, sa troublante et terrifiante beauté nous donne des ailes de pégase.

Ce coin de nature peut sembler hostile: Il pourrait se franchir pieds nus. Folle douceur des sphaignes.

En mode super-héros vengeur pas loin du dénouement…

En mode homme des cavernes

Haifoss et son double exhalent une énergie tellurique monstre

Longue plage solitaire de basalte

Skogafoss vue d’en haut

Le seuil du vertige

Même chez les nuages, les albinos sont mis de côté…

Ce serait pas mal de roupiller ici, nan? Oui, pourquoi pas. On aurait une douche au réveil comme ça.

Fermes Islandaises du « Far-west »

Euh il est où le chemin au fait?

Redoutable Toundra: Répulsif anti-éolienne.

Toujours cette doudoune écarlate… Comme dans « Chercher Charlie », comme Antoine de Maximy.

La terre qui fume, le pays qui fume… L’odeur de soufre lève le cœur au matin, puis on s’y fait, le soir elle nous manque presque…

Les rivières de l’ouest

Glymur in your face

La corne de brume sent un peu le soufre

Un coin bizarre dont je me souviens à peine…

L’immense glacier et sa couvée de lave en fusion

La péninsule de Snaefellsness abrite des trésors qu’il ne faudrait pas survoler

Là c’était le genre d’endroit où sortir de voiture était en soi une aventure risquée: Le vent glacial harcelait l’habitacle de la voiture, sifflait dans les bougies. Rares étaient les courageux à se hisser au-dessus du lac.

Les nourritures terrestres

« L’espoir est un manque d’information. » Heinrich Böll

Le désespoir, un défaut d’intuition…

Non loin du mythique et destructeur Hekla, la féroce Haifoss, l’une des plus hautes cascades de l’île.

Des écorces aux couleurs d’épices, semblables à la palette d’un peintre ivre mort

Le ciel s’embrase, les vents dépassent les 100km/h.

Rien de tel qu’un bon petit bain de vapeur…

Une éclaircie comme ça, on s’agenouillerait presque

Naturellement, ça ne dure pas. Quelques minutes de soleil par jour, mais alors quelles minutes…

Parfois un sentiment quasi religieux affleure, l’envie de s’incliner devant une telle beauté. On en a eu les larmes aux yeux.

Maintenant il faut redescendre

Un pont de glace dont les jours sont comptés ne mène pas particulièrement ailleurs…

L’eau se dit la même chose au printemps: je vais tout redescendre une fois encore. Perpétuel mouvement. Muse du voyageur.

La géothermie. 60% de l’eau chaude en Islande vient du sol. Le respect pour la terre n’a ainsi rien d’un concept abstrait; on y pense même en prenant sa douche.

Les glaciers, eux, affrontent les cycles de Milankovic

Les canyons moussus du littoral-sud

Singulière froideur, morphismes intriguant, dans la voiture on écoutera Echoes de Pink Floyd.

A certain moment, on sent une déchirure dans le déroulement normal de ses pensées: Tout ce que l’on vit là n’est pas très normal. Il semble urgent de mettre en ordre, de jeter un sens sur tous ces mystères. Pourtant, il n’y en a pas; et c’est le mot Apocalypse qui s’impose. Apprendre à vivre avec l’apocalypse. Le dévoilement oculte de la fin puis d’une réalité parallèle ne faisant elle que commencer.

C’est vrai qu’on fait beaucoup le malin, mais le paysage est vraiment poignant, dans le sens qu’il empoigne toute la misère de l’être… Ce n’est pas simplement beau, c’est terriblement beau. Et on peut penser à ce vers de Rilke dans les élégies de Duino: « Car le beau n’est que le commencement du terrible. »

Des formes vaguement mortuaires, comme des otaries pétrifiées, vérolées…

Et cet amas de glace qui semble là depuis toujours, comme pour briser les scapulaires d’Atlas

Puis on rebascule dans l’étrange, presque dans l’Heroïc fantazy. On peut penser aux planches de Druillet, aux Humanoïdes associés, même à Valérian. Quel soulagement de pouvoir s’en référer à quelque chose…

Les étendues herbeuses retrouvent une certaine tendresse familière, presque un semblant de prés…

Douceur et harmonie… On en oubliait presque cette gravité profonde, cette abyssale tristesse dans laquelle il nous était devenu si naturel de s’abîmer.

Le paysage moral est une réalité: Nous sculptons notre univers autant qu’il nous façonne. C’est un échange d’énergie eidétique. D’où l’intime nécessité du mouvement, et la compréhension du « moment propice ».

L’humeur virait ainsi à la contemplation sereine des forces, elles-mêmes apaisées…

Jusqu’à ce que la sorcière nous retrouve, nous tire par la crinière et nous rappelle à sa férocité

Des lambeaux de terres se soulevèrent, puis se tordirent en tous sens…

L’eau vint se heurter, déchiqueter ces fragments

L’eau planta ses dents dans la matière ameublie

Le divorce des plaques devint irrémédiable…

Puis les éléments fusionnèrent à nouveau

Et le chaos s’équilibra…

On put observer le résultat: Un mélange de silence et d’ardeur.

L’eau retrouve toujours son chemin comme l’éléphant son cimetière…

Même là où on s’y attend le moins…

L’eau inonde tout de son savoir ancestral, les yeux embués du permafrost se voilent d’écume

On s’habitue même à ce que la glace fume, à ce que chaque dune abrite une cheminée

L’esprit joueur jette des ponts entre les mondes déliés, entre les éléments

Quiétude restaurée, amnésie divinatrice…

Nous devons voir le feu et la glace se disputer la terre; avec nous au milieu

Mais nous devons ignorer que le combat fait rage, avant tout en nous-mêmes… Ce serait invivable.

Alors on s’amenuise, on se console dans le tumulte du monde, le tourbillon des jours, des nuits

L’Islande est aussi la solitude nécessaire à l’expérience du monde… La quête de soi-même dans le vivant.

La recherche de l’Absolu

La soif de lumière

« L’espérance est une petite fille de rien du tout » Charles Peguy

Une forêt Islandaise typique s’élève quelques millimètres au-dessus du sol

Un Leviathan de glace aux rides chamaniques

Pakgill. Un bel après-midi de juin, dans l’immensité. Dernier affront aux vents déchaînés.

L’un des très nombreux lacs au centre du pays

Grande maison Islandaise, à Arnastapi

Cône volcanique au Landmanalaugar

Un captivant diadème

Autour de Kirkjufel

Kvernufoss – avant l’orage

La montagne Chauve-Souris

Orgues dans l’anse d’Haifoss

Les falaises du Skaftafel

Le mythe de Sisyphe

J’entends dans mon walk-man la chevauchée des Walkiries, à moins qu’il ne s’agisse que du vent…

Les cascades de l’Islande: Aucun roman graphique ne saurait en saisir le majestueux vertige!

Ce déversoir a la taille d’une petite mer d’Aral

Où cours-tu comme ça?

On joue à cache-cache?

Un petit Kilimandjaro

Des palettes aux notes venues d’ailleurs

Méandres galactiques

Solfatares et champs phlégréens: L’origine des cyclopes

La mousse exulte sur ces falaises incultes

On pense souvent à Wagner dans ces contrées…

La moindre éclaircie vous fait briller les yeux

Les dunes de caramel au beurre salé

L’arche de Zoé

L’attente du messie

L’eau sous toutes ses formes

Skogafoss – point de départ d’un trek mythique

La lande grouille de vie minuscule, le sol est si beau qu’on n’ose à peine le fouler

Crocs du dragon à Vik

Regarder cette image au moins une fois par jour serait un gage de longévité

La horde sauvage

Au-dessous du volcan

Une sorte de glacier fuyant, lancé dans une folle cavale

Un parchemin cubique

L’homme raconte beaucoup d’histoires, la nature beaucoup moins… Mais celle-ci me plaît bien.

Miroir d’eau runique

Un petit mont qui pointe aux cieux

Idole païenne aux confins d’une caverne

Symbole de résistance ou de vaine obstination?

Nous avions cru à un choc thermique, nous l’avions anticipé. La difficulté d’adaptation vint d’ailleurs. D’abord, pour ma part, ça été la lumière. Ou plus précisément, le manque de lumière. On ne distingue plus très bien le jour de la nuit. « C’est un pays de vampires ou quoi? ai-je dit en pestant, dès le deuxième matin, quand nous nous sommes lancés à la poursuite d’Amon-Ré. Et on l’a recherché longtemps, peut-être trois ou quatre heure, dans une folle cavale héliotrope qui, comme on allait bientôt s’en rendre compte, serait le fil conducteur de ce voyage. Une odyssée vers la lumière. Un rêve d’illumination. Non, vraiment, le soleil se cache très bien ici. Les Islandais, eux, vivent dans un pays très différent du nôtre. Bon, c’est bien beau de se gaver de skyr hein, mais la vie ne se limite pas aux protéines. Il y a un double choc culturel: Celui d’une langue presque incompréhensible, aux antipodes du globish, avec  ses consonances médiévales gutturales, franchement étranges: Ceci étant beaucoup d’Islandais maîtrisent très bien l’anglais. Il n’en reste pas moins qu’entendre parler cette langue constitue en soi un motif d’étonnement, pour ne pas dire de stupeur.

Ensuite, il y a les mœurs, les attitudes et les manières de faire, qui sont entièrement distinctes des nôtres. Nous qui ne sortons jamais sans bouteilles d’eau, avons, par exemple, découvert, dans une magasin Bonus (notre enseigne favorite) que l’eau minérale n’existait pas en Islande. Du moins, on ne trouve aucun rayon dédié; une employée prit même un air boudeur et farouche en m’entendant parler d’eau mise en bouteille. « Mais enfin, l’eau coule partout » me dit-t-elle. On n’était pas du coin, franchement il ne servait à rien de le cacher, et on venait d’arriver, cela se voyait comme le nez au milieu de la figure. Et à parler de figure, il y avait aussi l’apparence des gens: Autre facteur de berlue. Il existe plusieurs types d’Islandais; tous sont terriblement exotiques à nos yeux. Le fêtard androgyne, un peu dandy, la sylphide glaciale, le bûcheron hirsute ou l’aventurier ventripotent, la femme aux cheveux courts, le gnome, la walkyrie; bref, un voyage à part entière. Il a bien fallu quatre ou cinq jours pour se familiariser avec ça.

Le secteur touristique de l’Islande connaît un boom spectaculaire depuis quelques années. En cause, une plus grande visibilité du pays dans la culture populaire, une exploitation effrénée de ses paysages dans les films à grand-public, la qualification surprise de l’équipe nationale de football lors de l’euro 2016, et… Le clip de Justin Bieber en 2019! Avec de telles racines, on comprendra qu’il soit nécessaire d’éduquer un tant peu cette véritable fourmilière humaine se déversant sur les routes du pays et en débordant les structures d’accueil, pour notamment les sensibiliser à la cause environnementale. Entre les imprudents, les pollueurs sans scrupules et les maniaques du selfie, prêts à tout pour immortaliser leur passage sur terre, on a parfois affaire à la lie de l’humanité. Et quelque part, il est compréhensible que nous soyons assimilé à cette canaille débarquée d’avion, tant nous lui ressemblons trait pour trait, avec pour seule nuance, une éthique du déplacement relativement solide.

Pour être honnête, les torts sont partagés. Il y a pas mal de bizarreries en Islande: Déjà, tous les espaces sauvages sont privatisés, sans que cela se voit le moins du monde. Un petit tas de mousse, un ruisseau, un hectare de magma, tout vous dis-je! Aller uriner quelque part, c’est déjà risquer la violation de propriété privée! Ça jette un froid, pas vrai? Par ailleurs, peu de choses sont réellement pensées pour le voyageur de passage: Peu d’hôtels, de restaurants et de parkings s’affichent dans ce pays encore nouveau-venu à l’industrie touristique, et où il faut rouler et encore rouler pour dénicher une adresse sûre. La demande bondit, l’offre ne suit pas. Par certains côtés, c’est ce qui rend ce pays si attachant. Tout y semble brut, authentique, sans le moindre artifice. Oui, seulement, le revers de la médaille, c’est que même uriner en Islande peut devenir un problème (à moins de s’exposer au risque précédemment cité). On peut rouler longtemps, très longtemps sans rencontrer un bar ouvert ou un établissement quelconque, et encore, n’y venir que pour se soulager peut être mal vu. Cela peut paraître un détail, mais dans un road-trip comme le nôtre, autrement dit, quand votre Dacia Duster devient la cuisine, la salle de bain et le dortoir, ce type de contrainte finit par peser. Heureusement que les stations service figurent sur toutes les cartes! Ce furent nos caravansérails, des étapes indispensables. Car, si le pays dispose d’énormément de campings et incite fortement les voyageurs à en faire usage, nous avons trouvé, à titre personnel, que leur utilisation ne présente, dans la majorité des cas, que peu d’intérêt. En dehors justement des toilettes et des douches, j’y vois surtout une manière excessive de lever un impôt sur le stationnement. C’est de bonne guerre vous me direz! Et je pourrais être d’accord si l’immersion promise dans la nature était réelle: Hélas, tel n’est pas le cas. Excepté Pakgill (site de camping extraordinaire), nous avons surtout vu de petits parkings aménagés, dénués de charme, avec de quoi cuisiner et laver ses vêtements, bref pas grand chose, mais nous nous sommes adaptés, quitte à hanter littéralement les stations d’essence…

C’est dans ce contexte que nous nous sommes lancés à la découverte de l’Islande. Le principal souci n’étant pas le buget (bien qu’il soit très serré comme un corset Victorien) mais la question suivante: Comment esquiver les hordes de touristes que le pays attire chaque mois. On pouvait s’attendre à des sites bondés, tant l’avion en partance de Paris paraissait saturé de touristes américains. Mais nous savons généralement comment éviter les foules: Marcher loin et monter haut! Or, surprise, on s’est rapidement senti très seuls, délicieusement seuls, ce dès notre première visite nocturne du site de Pingvelir (pourtant incontournable). Le jeu consistait à se décaler, à ne rentrer sous la tente- ou dans la voiture- qu’à une heure du matin à la faveur du blafard soleil de minuit. En réalité, avec le recul, on peut dire que tout le monde va au même endroit et qu’un vagabondage décent vous permet de vous en rendre compte en quelques jours à peine! Comme au tour du Mont Blanc: Faites trois pas de côté, il n’y aura plus personne. Mais ici, nul besoin de s’aventurer hors-piste. On ne distingue pas toujours la piste du hors-sentier, soit dit en passant. Pour résumer, certains environnements sont bondés; Skogafoss, le Blue lagoon, Gullfoss, Reynifiara, le Landmanalaugar. Toutefois, ces véritables têtes de gondole ne constituent qu’à peine un pour cent des espaces naturels existant par ailleurs. Et « par ailleurs » c’est le maître mot de l’Islande, on se déniche toujours de merveilleuses surprises…

Ces environnements diversifiés et, pour la plupart, faciles d’accès, composent une symphonie de couleurs sans comparaison. Les sites sont si nombreux qu’on croirait possible d’accueillir encore cinquante millions de visiteurs. Dans le sud, c’est bien simple, la densité de paysage est proprement aberrante: Plusieurs centaines de hautes cascades s’offrent à vous, enveloppées de brume, évoquant tour à tour les films à grands spectacles, les Dieux du Val hala ou des romans de science-fiction. Les Fjords innombrables vous appellent irrépressiblement; la plupart du temps une simple piste en sable sans le moindre panneau vous conduit vers une splendeur hors-du-commun. En l’occurrence, essayer n’importe quelle piste peut s’avérer un jeu amusant. D’une part, parce qu’à supposer que vous arriviez chez des privés, vous ne serez pas accueilli à coups de Winchester. D’autre part, étant avéré qu’une telle chose n’arrive jamais, d’après notre expérience, ces pistes mènent neuf fois sur dix à quelque chose, à savoir: Une immense falaise déchiquetée, une cascade sauvage, une jolie petite maison, perdue dans un tableau ravissant. Et c’est cela avant toute chose qui caractérise l’Islande. Aucune attente ne reste lettre morte. Faire n’importe quoi là-bas, c’est déjà se livrer à l’essentiel: balayer simplement votre champ visuel à 360°. Quand bien même vous n’attendriez rien, vous serez très largement servis. Bref, vous l’aurez compris, il n’y a pas un ou deux secteurs dignes d’intérêt, il y en a une infinité, ce qui change de pas mal d’îles exotiques, un peu survendues.

Par contre, encore une fois, il importe de disposer d’un équipement adéquat si comme nous votre budget est restreint. Gardez à l’esprit que le logement est très cher, et qu’il faudra, en conséquence, vous organiser un peu. En ce qui nous concerne, il nous a paru nécessaire de disposer d’un véhicule à quatre roues motrices pour explorer les lieux et nous n’avons pas regretté ce choix… Pour ce qui est de l’habillement, nous aurions été mieux avisés de prévoir du Gore-Tex, et ce de la tête aux pieds, tant l’humidité peut s’avérer prégnante, du sol au ciel.

Cette contrée est tellement plus que tout ce qu’on peut en dire… D’abord les lumières polaires; rarissimes, mais qui, quand elles surgissent d’un ciel perpétuellement voilé, fendillent de ses diaprures tous les contrastes, transfigurent le paysage. Cette translucidité vous foudroie sur place, traversant le diamant du cœur: Des forêts de mousses bigarrées apparaissent; une terre restée intégralement vierge étire ses segments. Il existe une aura de bienveillance derrière la rudesse de ces visions: A ce titre, nous vous recommandons Godland, un film se déroulant en Islande, vue par un Norvégien. On ne perçoit d’abord qu’ombres passagères, minimalistes, tous les nuages paraissent se ressembler. Puis, on distingue les nuances, on est rééduqués de fond en comble: De même, tous les moutons ont l’air d’être les mêmes (on en voit environ un millier par jour), et arrive un moment où vous les reconnaissez comme des êtres uniques, selon l’endroit où l’heure à laquelle ils jaillissent.

Un son de basse profond se dégage du pays: Une vibration unique, comme sortie du vacarme de la conscience: Et les anciens Dieux de la nature semblent danser dans les chuintements du vent, à la raucité tantôt divine, tantôt démoniaque. Je crois inutile d’être un naturaliste ou un voyageur expérimenté pour y avoir accès. Il s’agit d’une expérience sensorielle totale. Comme si la nature produisait-là son chef-d’œuvre universel. (…) « Ce dont on ne peut parler, il faut le taire. » Ecrivait Wittgenstein en conclusion de son Tractatus. Or, lorsque l’on pénètre au cœur du mystère de la nature, c’est bel et bien le sentiment qui domine. Le parlement de Pingvelir et son cortège de fantômes, le sentier des cascades menant jusqu’à Porsmork, les chutes inouïes de Glymur ou d’Haifoss, le glacier Vatnajokul à la tombée de la nuit, nous aurons été plongé dans un état de sidération et, par moment, d’extase, tant ces moments de vie confinèrent à l’hallucination. Ces paysages vous dénuent, vous dépouillent de tout préjugé, vous replongent dans l’élémentaire: L’absolu n’a jamais été si proche.

Pour résumer: Un voyage totalement exaltant dans des conditions épouvantables. Il n’est pas exagéré de dire que le « gros temps » sied magnifiquement aux tableaux Islandais, qu’il leur apporte quelque chose de déchirant, de poignant, une majesté, une aura. L’eau et le feu dans tous leurs états génèrent des tourbillons et des ébullitions. Or, je doute que ces mots restituent un tel luxe de détails graphiques. Comment vous raconter les moutons sur les routes, vois toisant avec une expression étrange, le chant hypnotique du vent, les nuits passées au bord d’une falaise, comment vous raconter le bonheur d’un verre de gnôle quand dehors il pleut averse, l’attaque d’un cadi poussé par la rafale, l’assaut d’une mouette défendant sa couvée, ou l’effondrement d’un immense bloc de glace dans un lac sombre; comment vous raconter le vol fouetté obsessionnel de la bécasse des marais, en sa parade nuptiale, empêchant le campeur de dormir la nuit? Comment partager l’exaltation d’une marche sur un glacier dans des chaussons de natation, d’une traversée à gué sous une pluie battante ou d’une exploration hors-piste dans un invraissembable bourbier! Comment vous suggérer l’impression d’assister à une reconstitution grandeur nature de la planète juste après le Big-Bang? Comment vous faire toucher du doigt la douceur de ces mousses sur lesquelles gambader pieds nus relève de l’évidence? Nous avons ainsi vagabondé sur l’île, comme des possédés, avec la naïveté de véritable rêveurs maniaques… Nous avons été pris d’une soif immodérée, d’un désir ardent d’assouvir nos pulsions exploratrices, conviés à ce festin graphique, mélodique et tactile, pour une fois à si basse altitude, pantois devant ce territoire de légende où nous nous sommes jurés de revenir un jour prochain…

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