Imaginez-vous seul sur le Pont Rialto. Seul sur les falaises du grand Canyon. Seul au sommet du mont blanc. Il est des lieux comme ça qui vous intimident par leur réputation et à propos desquels on se dit, à raison, que la réalité ne sera pas à la hauteur du mythe. Sixt-Fer-à-Cheval appartient à cette élite. Comme nous nous l’étions dit sur le col de la croix du Bonhomme, situé dans la partie Française du grand tour du Mont Blanc, le surnombre de nos semblables peut rendre la plus splendide escapade tout à fait indigeste. C’est exactement ce que l’on redoutait dans le cas précis. Par chance, dans ce contexte de pandémie mondiale, c’est à une variante intime et sauvage du cirque que nous avons eu droit. Un tête-à-tête d’autant plus remarquable qu’en sus de ne croiser âme qui vive, nous avons été épargné par les caprices du climat. Cerise sur le gâteau, les prairies ruisselaient de fleurs et les cascades rugissaient à nos oreilles ravies. Conscients qu’une pareille chance ne se représenterait pas deux fois, nous nous sommes littéralement gavés, jetés au milieu de ces impénétrables murailles, par delà les déserts de pierres et de glace, dans l’extraordinaire bouillonnement des sensations. D’un paysage inhospitalier, vertical et rugueux, nous avons ramené quelques reliques.
Les gypaètes barbus chassaient la marmotte sans s’offusquer de notre présence et jouaient avec leurs os comme avec des osselets. Dans le meilleur des cas, ces charmants petits rongeurs décampaient à temps. Mais quel privilège d’assister à cette danse de mort sans long affût ni camouflage. Cela étant dû, je le répète, à l’abandon progressif du site pour cause d’épidémie. Furtifs dans cet écrin immense du Haut-Giffre où s’étoilent le désert de Platé, l’illustre lac d’Anterne et pléthore de cascades, j’espère pouvoir dire que nous n’avons gêné personne, ni lagopède, ni marmotte, ni chamois. Les austères falaises en quartz des Fiz, séparant la haute-vallée du Giffre du massif des aiguilles rouges restent dans ma mémoire comme l’une des plus belles expériences de montagne. L’affable commune de Samoens nous a offert un excellent pied-à-terre pour cette semaine d’exploration.
Lapiaz et cascades sont au menu du sentier menant au lac d’Anterne via le refuge Alfred Wills
Avant la montée progressive menant au plateau, une délicieuse cascade: La pleureuse/Sauffaz
L’orchis tachetée aux mouchetures Birmanes
Vue sur la vallée de Sixt à partir du Collet d’Anterne
L’étrange profil dolomitique du rempart des Fiz
Fuite tardive d’une autochtone
Le temps se gâte, nous n’irons pas au lac… (snurf)
Le lendemain matin, sur la passerelle menant au « Bout du Monde »
D’innombrables cascades nous entourent, l’exaltation nous gagne… Nous sommes seuls depuis l’aube.
C’est donc ça, le Bout Du Monde?
Cette plante vient d’être classée « peste végétale » et nous venons de casser la crôute (anacoluthe)
Un mois de juin fleuri, sans les estivants
A un certain moment, la beauté nous rapetisse
Sixt-Fer-à-Cheval vu du refuge du Borée
Une salade de cascades dévale les parois du cirque
Les pentes sont abruptes vues du sentier balcon
Les chutes nous aspergent
Vue élargie sur Sixt.
On ne s’en lasse pas… Au fond, on aperçoit les cornes du Chamois, sous le pic de Tenneverge
De retour sur le plancher des vaches
Les pentes douces de la Bourgeoise… (cela ne s’invente pas)
Le pays du Haut-Giffre
Tout le monde n’a pas la patience d’aller voir du pays… Tout le monde ne souffre pas de dromomanie aigue (de frénésie déambulatoire).
Les fleurs, elles, sont enracinées, la question ne se pose pas, seuls certains de leurs organes voyagent.
Retour à Sixt
Point de vue plus large sur tout ce cirque
C’est parfois utile d’avoir les idées larges et de grandes jambes…
Une montagne qui perd les eaux est-t-elle féconde?
Vue aérienne sur le refuge de la Vogealle
Miroitements sucrés au lac de la Vogealle
Ceci me rappelant l’expression: Les théories passent et les grenouilles restent.
Suivant le fil d’Ariane: La randonnée? C’est toute une histoire qui s’écrit par des gestes.
Allez, dernier point de vue sur la vallée de Sixt
L’une des nombreuses cascades de cette rando magique menant au désert de Platé (par ses laouchets)
Regard vers la pointe des Sales
Passage de col après un interminable névé
Le désert de Platé semble s’excuser platement de n’avoir vu pousser aucun village
La chaîne du Mont Blanc
Paysage déchirant (presque raturé pour Dieu sait quelle raison)
Brève rencontre entre plantigrade et sabots fendus dans les lapiaz
Dans un fracas assourdissant, l’eau se rengorge…
Sa musique nous inonde…
Rien de tel qu’un bain de pieds après une longue journée de marche
Et le lendemain matin… Visite du jardin botanique de Samoens
Vue sur le village
Le jardin Alpin
Les euphorbes, championnes de la survie
Gorges étroites et écumantes
Pour résumer, nos coups de cœur ont été nombreux: Presque chaque jour nous nous sommes dit: Ce serait pas cool de s’installer ici, nan? Puis finalement, se ravisant, parce que ce n’est pas mal non plus de rester un itinérant, une sorte de nomade moderne, suivant ses impulsions saisonnières, on se fait une raison. On y repensera pour nos vieux jours…
Mais bon, quand on voit ça, sincèrement, on se dit que la cité des épinettes, à Issy les Moulineaux, n’est peut-être pas le lieu de vie idéal pour un bipède agité du bulbe. Et qu’on ne s’étonne pas après de chopper des microbes et des maladies à huit syllabes vu la faible qualité de nos cadres d’existence. Après, pour revenir à nos moutons, ce qui nous a emballé ici tient surtout à la diversité des paysages rencontrés, même si l’abondance de cascades ne peut, selon nous, provoquer aucune lassitude. On en aurait bien vu dix de plus. Et à ce compte-là, voilà quelques bonus:
C’est un bonheur indicible d’entendre l’eau dévaler des cimes enneigées, des glaciers et, quelquefois, de sources souterraines, et de la suivre comme on suivrait une inconnue dans les interminables wagons d’un train pour nulle part, d’un train lancé à mille kilomètres/seconde dans la Taïga, à la vitesse de la lumière, parce que nos cellules sont faites de lumière et d’eau. C’est à dire de rencontres miraculeuses.
La veille du départ, le ciel s’est couvert de gris. Entre deux pluies, nous avons bullé au lac des Gers