Quelques jours dans l’Ubaye

Quelques jours dans l’Ubaye

Nous avons bien souvent effleuré l’Ubaye. Tout d’abord, par le Queyras, puis par l’Embrunais. Plusieurs fois nous nous sommes dit, tiens et si on allait découvrir cette vallée? A l’extrémité Orientale des Alpes de Haute-Provence, c’est l’une des vallées les plus reculées et les plus secrètes du pays. Bien-sûr, on ne parle pas là de Vars ou de Barcelonnette, où j’étais déjà venu skier par le passé (sans en garder aucun souvenir), mais plutôt de l’embranchement solitaire, allant du col de la Bonnette à Maljasset, en passant par Jausiers et Saint-Paul-sur-Ubaye. La rivière Ubaye, sauvage et méandreuse, surgit du Mont Viso et termine sa course dans l’un des bras du lac de Serre-Ponçon. Le tout dans une ambiance torrentielle et altière.

Regard vers l’Italie

Du Queyras à l’Ubaye: Au col des Marsailles

Descente au lac Marinet inférieur

L’épine dorsale reproduit à l’identique le massif à l’arrière-plan. L’ordre du monde est parfois aussi simple que ça.

Oasis de verdure sur les hauteurs de Jausiers

Les ponts Français mériteraient à eux seuls une encyclopédie

Vue saisissante du col du Marinet. Au premier plan, le lac supérieur et l’aiguille épaisse…

Cascade du Pissoun et son ébauche d’arc en ciel

La dame du lac serait-elle pieuse?

La zygène du trèfle se la coulerait-elle douce?

La palette des myrtilliers

Montagne en croissant de lune

L’Argus fréquente les hautes sphères

Mais cette beauté n’avait d’yeux que pour nous

Pays minéral et lunaire, parfois rude, mais dont les drapés harmonieux détendent l’esprit

L’une des charmantes promenades de l’Embrunais: Le Pic Morgon

Deux lacs, deux couleurs (Bowie repose en paix) depuis le col de l’Infernetto

Les eaux turquoises du Marinet

L’immense lac de Serre-Ponçon, incontournable sur la route de l’Ubaye

L’Ubaye en contrebas du col de la Bonnette, dans l’idyllique vallon de Terre Plaine

Gorges étroites et massifs déchiquetés, tâchetés d’ombres

Tout porte à croire que ce champi passera l’hiver au chaud

Les montagnes spectrales n’acceptent aucun sapin

Ni celles-ci, qui m’évoquent le recueil de Pound: « Je rassemble les membres d’Osiris »..

Lac de Serre-Ponçon, dans l’Embrunais voisin, vu du haut du Pic Morgon

Dans l’aride vallon de Mary, nous prenons ombrages des roches sédimentaires

Le lendemain, changement de décor: Le sud sauvage resplendit de verdure et se rengorge de buissons

Avec ses torrents altiers où déjeuner à l’ombre des résineux

Mais ces lacs, quand même… Avec une jambes en moins, j’y aurais piqué une tête

La preuve en image…

Le réel et son double: Ou piétiner sa propre imagination

Le lac de Serre-Ponçon, alimenté par la Durance, deux kilomètres avant sa confluence avec l’Ubaye

Sur les crêtes du Morgon débute une nouvelle vague: Une randonnée de crêtes dominant l’Embrunais

Cascade lénifiante aux Portes de l’Enfer

Le chemin muletier devient piste de sable, vallon de Terre Plaine

Le vallon de Mary abrite trois lacs, invisibles à l’œil nu, peut-être évaporés

Be water my friend

L’alpage du Morgon

Paysage digne du Colarado

Dans quelques années, ce lac pourrait avoir disparu et ne laisser derrière lui qu’une tourbière

L’experte en camouflage

L’eau vive et sa crinière endiamantée

Désert de pierres, embrasure indigo

Ce ciel bipolaire devrait être suivi

Aux abords de Barcelonnette

Prémisses à l’accouplement des Tircis

Regard vers le versant Italien de la haute Ubaye

Vue arrière du bassin de la cascade Pissoun

Ça a été un séjour un peu spécial. Je vais devoir m’attarder un moment sur un épisode tragi-comique qui m’est arrivé dans l’Ubaye. Une fois n’est pas coutume, nous qui ne prévoyons rien avions cette fois dressé un plan, dessiné un programme: Je ne sais plus trop quoi incluant une nuit en refuge vers le col du Longet, une sorte de structure à la semaine à venir. Est-ce qu’une telle préméditation allait nous porter malheur?

Revenons en aux faits. D’abord, vu la distance, nous avons intercalé une petite sortie dans les Fonts de Cervière, entre Queyras, Briançonnais et Piémont. Une manière d’interlude autant qu’une mise en jambes dans une région très familière.

La ballade s’est déroulée sans encombre, dans un cadre superbe, sauf qu’une quantité alarmante de lacs étaient à sec. Bref, tout ça pour dire que je portais ce jour-là une paire de godillots en bout de course, lesquelles donnaient des signes de faiblesse, voire carrément d’agonie. De toute évidence, il allait falloir en changer, et ce dès le lendemain. Je disposais heureusement de chaussures de rechange, à savoir d’une paire de running trail de chez Decathlon, aucun souci à se faire. 

Nous envisagions ce matin-là une itinérance de trois jours au moins en direction du fameux Brec de Chambeyron, peut-être même une boucle autour de  la tête de la Frema et du Brec de l’Homme, dans le pays du Viso. C’est une vallée tranquille et ensoleillée: Nous n’avions pas peur pour la météo, mais un orage gronda toute la nuit et, au réveil, quelques nuages s’accrochèrent encore aux cimes. 

Finalement on se lance. Départ de Maljasset pour le col de Marinet. Au bout de dix minutes, je sens déjà quelque chose au pied droit, plus précisément sur l’aile droite du talon. Une couture qui frotte, un défaut de fabrication et déjà une entaille. Je commence à pester, boitille sur plusieurs centaines de mètres et pourtant m’obstine à continuer. « Mais nan, ça va passer… Mon pied doit se faire à la godasse, hein. » (J’avais tout faux, c’est bien à la godasse de s’adapter, pas à mon pied). Hélas, je n’écoute pas les bons conseils de ma douce moitié, et l’entaille devient bientôt ampoule, puis tout bonnement charpie. 

C’est douloureux; nous avons d’ores et déjà parcouru un bon kilomètre, aussi je décide de pousser plus loin, mais sans chaussures! Ayant toujours su n’être qu’un va-nu-pieds, je me coltine la montée au col, dans les pierriers et les roches détritiques, sans protection. Mes panards manquent de corne et la douleur reflue. M’enfin, c’est supportable. Nul n’est fakir qui veut et j’essaye de me montrer confiant. En partie pour rassurer Najate et peut-être pour avoir l’air de surnager aux évènements, j’arbore un sourire détendu tout en réfléchissant aux mystères de la vie depuis l’invention de la cordonnerie. D’ailleurs, un humble passeur de cols croisé au pied d’un rocher me hèle, mi gouailleur mi attendri: « Vous faites pénitence? » Je lui réponds cheminer vers La Salette. Lourdes étant un peu loin. Jovial, il s’incline, réprime une répartie, un peu comme Lancelot au château du Roi Pêcheur. Quant à moi, je refoule une grimace. Je m’obstine à atteindre le col. On verra!

En tout cas, c’était une belle connerie! Jamais encore l’enseigne Decathlon ne m’avait déçu à ce point (Ils se sont rattrapés par un service après-vente de qualité), mais sur le coup, je les ai maudit cent fois. Parce qu’autant dans la montée, en y allant tout doucement, c’était négociable. Autant, la descente me réserva une véritable séance de torture. A chaque pas, je m’enfonçais d’infimes gravillons dans la plante des pieds, mais c’était toujours moins douloureux que la chaussure elle-même, que je ré-enfilais par intermittence, passant de Charybde en Scylla. (…) Un grimacier dansant sur une jambe, une sorte de fakir de bande-dessinée, un inter-gitan du spectacle, c’est ce que virent les témoins effarés de ce spectacle grotesque. Précisons qu’à mes propres yeux, ce n’était pas glorieux non plus, même si à la pensée de mon courage et de ma détermination, des larmes d’autosatisfaction m’ourlaient les paupières.

Le lendemain, j’étais incapable de marcher normalement, je dus accepter qu’au balancement rythmé qui me servait d’allure se substitue une lente claudication d’estropié. S’être mis dans un tel état par entêtement, c’était franchement risible: En ai-je tiré les leçons pour autant? J’ai dû réhabiliter mes épaves et me relancer au moins sur une sortie à la demi-journée (parce qu’on n’allait pas ne rien faire non plus!) en clopinant sur une jambe, et la ballade facile sur laquelle se porta notre choix répondait, tenez-vous bien, au nom prémonitoire de Portes de l’enfer!

Mais trêve de balivernes! Ces prises de vue couvrent la montée au col de Marinet de Maljasset en allez-retour et la promenade tranquille aux portes de l’Enfer. Cette dernière ne nous a posé aucun problème et nous a bien surpris par sa diversité. L’extrême beauté des paysages nous incitera, dans un futur proche, à retenter une itinérance en Haute-Ubaye, entre France et Italie, au départ de Maljasset. Celle-ci sera traitée dans un article à venir.

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