Jordanie – Trek Bédouin au Wadi Rum / Excursion à Petra

Jordanie – Trek Bédouin au Wadi Rum / Excursion à Petra

A l’âge d’Instagram et TikTok, des voyageurs influenceurs et du cyber-nomadisme, nous voyageons bien peu et rarement loin de chez nous. Aveu paradoxal: Car en dépit de cette activité de blogeurs, nous restons partisans d’un « tourisme » local, d’aventures au coin de la rue, de petits trips qu’on improvise comme ça, sans visa ni préméditation. L’exotisme est un leurre, une impasse esthétique: On vous prémâche l’étonnement, cette belle faculté enfantine qui ne s’apprend pas dans les livres. Aller rechercher aux Maldives, à Zanzibar, l’aliment d’une rêverie ou d’une curiosité qu’une petite forêt voisine vous aurait apporté, juste parce qu’une agence de voyage vous a fait les yeux doux, en vous vendant ses plages paradisiaques, ses populations avenantes aux traditions folkloriques dépaysantes, voilà le marché de dupes que nous déplorons. Ce marché de l’exotisme aplatit les rêves d’évasion, rend insipides les entreprises les plus hardies, à grands coups d’exploits à la Mike Horn ou de tours du monde Cartes-postales. En un sens, vous ne participez plus à vos propres voyages. Ils ont déjà été pensés pour vous, comme préfabriqués.

« L’an prochain j’hésite à me faire le Fuji-Yama ou le Kilimandjaro… » Et pourquoi pas le Mont Ventoux? L’embêtant, c’est qu’en sus de dévaloriser la beauté naturelle de ce pays où nous vivons, ce système au bilan carbone désastreux invite quiconque à élargir ses horizons et à s’ouvrir l’esprit en criblant son passeport de visas, comme pour se constituer un petit catalogue… Cela ressemble trait pour trait à du développement personnel, avec la géographie comme point de pivot. Malgré les apparences, nous n’utilisons pas la terre pour aller mieux. Chassez ses idées noires, créez du mouvement, entraînez des réactions positives tel est le jargon d’une industrie hyper lucrative basée sur la standardisation, l’hybridation du voyage et de la publicité… Voyez ces grands espaces mettant en valeur une Alpha Romeo, ou ce parfum supposé « réveiller votre part sauvage ». Ce que le mot de touriste peu avoir d’ignoble (aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours haï ce mot) a depuis bien longtemps été dévoilé, non seulement sous l’angle écologique, mais aussi et surtout, dans sa dimension psycho-pathologique.

On préfère se trimbaler dans les Cévennes sur un âne (ah non, merde, ça, c’est déjà pris) ou remonter la Seine en Canoé qu’aller se dorer la pilule sur une plage de Charm-El-Cheikh ou glander sur la Costa Brava. Entre végéter dans un multiplex à Dubaï et affronter les éléments, se priver de tout confort et traverser à pieds des rivières glacées, nous choisirons toujours la deuxième voie. Celle que London appelait l’appel du sauvage, celle du recours aux forêts, du retour à la nature. Certes, il ne s’agit en rien d’un retour permanent. Mais quand on voit ces hordes de vacanciers fainéants se traîner sur la côte (avec tout mon respect pour le droit à la paresse), on se dit que, quand même, franchement, travailler pour ça… Autant se pendre tout de suite. Et on les plaint plus qu’on ne les blâme.

Voyager, où que se portent nos pas, c’est lever un regard lointain sur les plus humbles fruits du monde, redécouvrir des choses infimes. Pour étayer ce point de vue, un jour que j’écumais la poésie des arcanes numériques, je tombai sur une vidéo un peu ahurissante relatant la marche rectiligne (ceci est à prendre au sens strict) de cinq copains à travers la France, refusant de contourner tout obstacle naturel (montagnes, rivières), et, durant le visionnage de cet indéfinissable reportage, une réflexion me vint: Gravir le Mont Blanc ou même l’Everest ne représente plus rien dans un monde fini, façonné de part en part, en regard d’un tel défi, attestant d’un réel sens de l’absurde et d’une créativité esthético-athlétique. A cela et à cela seulement se reconnaît l’esprit libre du voyageur. Quand Julien Gracq arpente Nantes, n’est-ce pas plus palpitant qu’un safari all inclusive dans la brousse Ougandaise, relaté par un cadre moyen? Allons plus loin encore: Le voyage à Londres que Des Esseintes, figure centrale du roman A rebours, a subitement renoncé à faire, n’a-t-il pas infiniment plus de réalité – c’est à dire d’influence sur nos représentations- que le prétendu pèlerinage au Japon d’un influenceur ou d’un gratte-papier? L’auteur d’un balcon en forêt a honoré cette promesse bancale du Voyage autour de ma chambre. Chanter la grâce discrète d’une renoncule poussant entre deux pavé d’asphalte outrepasse l’élogieux lyrisme du voyageur s’extasiant devant le Taj Mahal ou se pâmant, au biais d’une perception très ordinaire, à la vue d’une chute d’eau photographiée trois millions de fois par an. Jeune, je suis parti sur les routes dans la quête inconsciente de purifier mon regard. Parvenir à s’étonner de microscopiques détails, indispensables à l’harmonie du monde, résume à peu près tout ce que j’ai pu trouver sur la voie. D’Istanbul à l’est de l’Iran, dans ce qui restera comme mon premier voyage, j’entamai ce cycle de voyages plus modestes auquel nous consacrons l’essentiel de notre énergie. Cette faculté d’étonnement revient naturellement avec les épreuves que constituent les très longues marches, les itinérance de long cours. C’est pourquoi nous privilégions ces voies d’accès au continent sacré de la nature.

Trouver un trait d’union entre l’homme et la nature ne se résume pas à un discours proféré lors d’un dîner en ville, mais bien plutôt à une sorte d’éthique, de discipline de vie. Nous ne demandons qu’une chose: N’être finalement qu’un regard de passage, avec le poids d’une plume, et ne peser sur rien ni personne. Des errants, des furtifs… C’est ce vœu informulé qui nous anime, qui nous pousse à partir, à larguer les amarres, prendre le train et oublier ses clefs, ses codes, ses matricules et ses usages.

Ainsi donc, rompant avec nos habitudes, nous nous embarquons pour un trek Bédouin dans le Wadi Rum. Ce n’est pas follement original, nous ne prétendons pas le contraire, mais selon mes sources, il pouvait s’avérer compliqué d’explorer ces territoires, quadrillés par les jeeps militaires des guides Bédouins, alors l’idée de cheminer avec eux, de camper, se nourrir et dormir à leur façon nous parut pouvoir donner une certaine consistance à l’excursion. D’autant que l’art de se mouvoir et de se repérer dans le Wadi Rum présente sans aucun doute des difficultés impossibles à prévoir. Quoiqu’il en soit, nous ravalons notre orgueil et, après réflexion, nous décidons de recourir exceptionnellement aux services d’un voyagiste pour aborder cet espace protégé.

Pour ma part, je suis passionné de civilisations antiques: Mes visites de Delphes, Ephèse, Cnosos, Herculanum, m’ont fait forte impression. L’idée de me rendre sur place m’excite un peu bêtement et m’évoque irrépressiblement la célèbrissime musique de Maurice Jarre dans l’immortel chef d’œuvre de David Lean, Lawrence d’Arabie. A l’âge de huit-ans, c’est à travers ce film que je fis ma première expérience du désert, si l’on peux dire. Ce fut, dans ma mémoire d’enfant, la première fois que je le traversais, à travers la pellicule, le souffle épique et la beauté visuelle du métrage. Ce fut pour moi un bouleversement indicible. Et depuis, je ne rêve que d’une chose: Marcher pieds nus dans le sable rouge du Wadi, à la recherche de… Ce je-ne-sais-quoi ou ce presque-rien.

Je ne peux m’empêcher d’envisager le désert comme un contre-champ magnétique, un entre-deux-monde, où esprit et matière se livrent une guerre à mort, mais surtout, comme une matrice de l’imaginaire, une sorte de levier poétique. Le poète courtise ces étendues de sable sans fin, ne menant nulle part, qu’à leur propre néant; car s’avancer à la rencontre du Rien, c’est d’abord redescendre dans son propre cœur, en profaner les tombeaux de fausse vertu, en démasquer les dernières illusions (celles de croire se connaître, celles de défendre ses plus belles qualités). Le paysage demeure la porte du visage de Dieu, la métaphore du cœur humain, l’illustration d’une intériorité indépassable. L’auteur des Sept Pilliers de la sagesse en fit lui-même l’expérience lorsqu’il réalisa sa nature profonde et en accepta la fatale cruauté (pour ne pas parler de son masochisme) en fomentant sa propre révolte personnelle, intérieure (avant de mener les Arabes à la victoire). C’est donc à cette quête intérieure que nous allons nous frotter, avec tout le recul sceptique nécessaire, mais tout de même non sans émotion.

Puits insondables, campements éphémères, dunes aux lignes épurées et bizarres édifices de pierre érigent sous nos yeux une manière de tableau flottant qui, quand vient la nuit, devient un fascinant observatoire cosmique. Mais trêve de palabres, embarquons pour ces territoires immémoriaux, ayant vu passer hommes, bêtes et Dieux.

Le grès rose aux irisations sédimentaires; fleurs de pierre et arc-en ciel; vermeille, terre de Sienne et bleu céruléen. Ceci n’allant pas sans nous rappeler la nacre. A parler franchement, on pense souvent à l’océan.

Regard vers l’Arabie Saoudite

Les Sept Piliers de la sagesse

D’innombrables canyons se juxtaposent dans le Wadi Rum

Avec nos compagnons de route, et notre guide, Ward

Memento Mori

Une chose frappante: L’odeur du désert, une odeur sans malice. On n’a jamais vu un grain de poussière dans cet espace, ni la moindre impureté: Ni en Tunisie, ni en Iran. Le premier mot qui me vient au sujet du Wadi Rum est celui-ci: propreté.

Nous cheminons en travers les âges, dans la mémoire de pierre, entre interstices de granit et fissures terrestres, sans savoir vraiment où le guide nous conduit.

Et parfois, ce dernier se retire pour méditer…

Tandis que l’on pavoise sous les falaises de grès, on ne s’imagine pas prendre appui sur un coussin géant…

Le grès donne beaucoup de sécurité au grimpeur, on s’y lance de plein gré…

Le désert épure la pensée. Tout devient linéaire, simplicité et équilibre. Puis vient la nuit. Le sable tourne au miel à la robe sombre.

Alors, autour d’un feu, les langues se délient

Les débuts de l’alphabet, trois-quart d’heure après l’aube; l’astre-roi monte aux cieux.

On imagine la rivière altière qui devait couler ici, un océan il y a vingt millions d’années

Ces montagnes tabulaires rappellent les tablettes Sumériennes

L’arche minérale du Burdah Rock Bridge

Entre ombre et lumière

La présence de l’intrus végétal demeure un mystère. Est-ce qu’un oiseau y fera escale ce matin ou cette année?

Ne croirait-on pas de petits personnages potelés, moulés dans l’argile?

Mad Max Fury road

Le vent a quand même des griffes bien acérées.

Les anciennes gorges nous apportent un peu d’ombre

Dômes et aspérités du grès et du granit

La mue écorchée des falaises, pareil au miel caillé

L’esprit marche sur ses deux jambes

Dormir à la belle étoile dans le désert du Wadi Rum fut une expérience inoubliable et bien plus évidente qu’on ne l’aurait cru. On ne pensait pas avoir confiance à ce point, abandonner toute peur d’être mordu ou piqué par on ne sait quelle bestiole. Car, de la vie, il y en a, et même beaucoup! On le voit aux traces dans le sables, aux empreintes foisonnantes, et cela ne se limite pas aux serpents ou aux scorpions. Ward nous a déjà fait part de la présence de loups sur le territoire traversé, autrement dit, tout proche du campement. Le feu les tiendra à l’écart, a-t-il ajouté avec une apparente malice, enfin, jusqu’à ce qu’il s’éteigne. Bien qu’il regorge d’éléments inconnus, le désert n’a rien d’effrayant… C’est étrange comme un milieu à ce point aride peut sembler si accueillant. Il ne semble pas sournoisement vous tromper, ou cacher un couteau sous sa manche; même le danger ne  doit pas s’y tapir bien longtemps. Sincère. Oui, l’adjectif peut étonner, mais c’est ce que nous avons ressenti, dès le premier jour. A la tombée de la nuit, un calme mystifiant s’étend sur le monde. Il n’y a plus de haut et de bas, de dehors ou de dedans; l’univers s’équilibre sur un fil obscur. Le feu s’éteint et les voix s’étranglent dans les ténèbres. Pourtant, pas de loup.

Puis, nous visitons la mythique Petra, située à mi-chemin entre la mer Noire et la Mer Morte. Merveille Nabatéenne vieille de vingt-huit siècles, la vieille capitale fantôme exhale sa poésie mystérieuse et unique. Désertée depuis la guerre civile Syrienne et l’extension du conflit, après la destruction de Palmyre par l’Etat Islamique, la Huitième Merveille du monde retrouve peu à peu des couleurs.

Petit point pratique: Pour visiter la ville, nous conseillons l’usage du Jordan Pass, combinant visa d’entrée et accès à plus d’une trentaine de monuments historiques classés du pays. Étant donné l’étendue du site archéologique, le Pass de 3 jours apparaît une option pertinente.

Sans Jordan pass, voici ce qui risque de vous arriver.

Un premier temple égaré là, semble n’intéresser personne… (il s’agit en fait d’un tombeau)

Et voici donc le khazneh (trésor) au bout du Sîq (canyon)

Quelques kilomètres plus loin et plus haut, au monastère…

Le Sîq, entre ombre et lumière

Sismicité: La plaque d’Arabie et la plaque d’Afrique coulissent sous ces petits champignons de pierre.

Les hauteurs du site archéologique dévoilent un spectacle saisissant et hors-du-temps. Nous demeurons seuls à contempler ces mégalithes, ouvragés par le vent et la pluie.

Le toit de Pétra ouvre sur une large étendue plane, où, on peut le supposer, les habitants de l’ancienne ville se retrouvaient papoter et boire le thé (occupation millénaire).

Le grès rose bleuit sous l’effet de l’oxydation, et nous nous blottissons dans ses lotissements

Un âne divague dans un canyon

Certains sont plus pressés que nous…

Comment penser qu’un tel lieu ait été plongé dans l’oubli de 50 après J-C à 1812, lors de sa redécouverte par Jean-Louis Burckhardt? Pétra n’est pas une simple ville troglodyte isolée, comme nous en avons tant en Ardèche, Dordogne, etc… mais un site aux dimensions colossales, tentaculaires, niché dans les montagnes.

Comme je le redoutais, ce pays ouvre l’œil sur nous.

Il faut dire… Quel manque de tenue!

Est-ce qu’une certaine végétation s’implantait, à l’âge Edomite, puis Nabatéen, dans cette rocaille abrupte?

L’eau était acheminée par le truchement d’un ingénieux système hydrologique…

Toujours adoré le profil de ces bêtes

Toujours adoré le profil de ses…

Malgré les apparences, nous ne sommes pas les seuls à monter.

Les morphismes du grès font naître tant d’idées à l’imaginatif: En fixant cette muraille, on croirait la voir palpiter, tant ces volumes prodigieux rappellent des organes, un petit quelque chose d’une toile de Bacon.

Ce tripode donne à la roche une dimension magique d’éléphant ancestral

A la vôtre messieurs..

C’est ce qui s’appelle tendre l’oreille; le pavillon aux creux ombrés génèrent un mystère alcalin, celui des coquillages recrachés par la mer…

C’est la première métropole troglodyte qu’il nous est donné de voir…

De retour, ce matin, dans la sépulture des peuples antiques.

Restée en sommeil dix-huit siècles durant, juste le temps d’un rêve…

Désormais, les Bédouins ont repris du service. Certains se prétendent même descendants des Nabatéens, (ça claque bien sur le livret), ce qui ne les empêche pas de se taper les côtes, enfin leurs mulets…

On s’écarte un peu des sentiers battus

Étoffes brodées par les Bédouines, qui piaillent de bon matin: « Hello, where are you from? »

Quant à la grande muette, je m’insinue subrepticement en serviteur dévoué. De confidence en confidence, je décroche enfin un scoop! Aucun essai nucléaire n’est prévu dans la région!

On dirait vraiment une excroissance, comme dans un film de David Cronenberg.

Les falaises semblent se travestir en temples, et les temples se travestir en falaises…

Une fois derrière nous le Wadi Mousa, la vallée montagneuse d’Edom

Peut-être un genre de danse de la pluie?

Comme le disait Thierry Jonquet dans l’Usage du monde, on dirait que ce pays refuse d’avoir un arbre…

Le dortoir municipal

Parfois crapahuter, c’est comme feuilleter une bible de pierre.

Bon allez, c’est plus trop de notre âge, mais c’est sympa de flamber un peu. Genre relax au moment du clic, puis lorsqu’il s’agit de redescendre, on se tend un peu. L’éternel retour du réel.

Les parois biscornues nous laissent la bouche ouverte

Sans doute une étable Bédouine (j’aime beaucoup la décoration)

Retour au Monastère après un long détour labyrinthique (je m’imagine qu’un minotaure a du vivre ici).

Photo plutôt bizarre. Le reflet est en train de tomber, lentement, dans ce gouffre sans fond.

Imaginez le convoi royal portant les hommages de l’empereur de Rome à travers ces vastes termitières

Au seuil du Monastère, on est intimidés. Une insidieuse présence nous effleure.

Colonnes Romaines rappelant les puissants protecteurs de Petra (l’empire n’a jamais pris fin).

La grâce incarnadine du grès, vue de près, évoque les motifs d’un jambon soyeux

A l’époque, les tombeaux étaient de dix à vingt fois plus vastes que les habitations

Le grès ne serait-t-il pas l’inventeur de l’écriture?

Bon, on était un peu à la merci du vent, mais les portes ne devaient pas souvent claquer…

Je vous l’avais dit: Le désert ouvre l’œil. Un être très ancien veille sur nous

D’émouvantes petites chambres à coucher où l’on peut, avec un peu d’effort, imaginer la vie quotidienne d’alors…

Réflexions sur nos métempsychoses

Des jeux et du pain; les lignes élémentaires de l’existence.

Une marelle zodiacale

Le business des onagres nous rend un peu chagrin

Celui des chameaux, il faut bien vivre que diable…

 

Bon, que dire? Cet endroit magique mérite son surnom de huitième merveille du monde. La ville toute entière nous a laissé bouche bée. Une fois dernière nous le Wadi Mousa et la longue gorge du Sîq, le plan de la ville s’étire dans toutes les directions, en un véritable dédale sur plusieurs étages: Il y a énormément de curiosités à explorer: Temples, grottes, amphithéâtre et monastères; une infinité de possibilités. Les sculptures naturelles du grès, dues à l’érosion, nous ont parfois plongé dans une sidération équivalente à la vision tant attendue du Trésor. La visite du site s’apparente à une véritable randonnée ainsi qu’à un voyage dans le temps et, le premier jour, nous avons parcouru une vingtaine de kilomètres! C’est dire à quel point Petra peut être étendue.

Les bédouins vivent désormais très largement de l’exploitation touristique; malheureusement, l’instabilité politique devenue chronique dans la région nuit à leur prospérité. Il existe une certaine ethnie, les Bdoul, assurant être les derniers descendants des Nabatéens (la chose est invérifiable) et dont l’allure folklorique rappelle Jack Sparow dans pirates des Caraïbes. Ils portent de très longs cheveux frisés, du Khol sous les yeux, un foulard moucheté et, parfois, des tatouages tribaux et des boucles d’oreilles fort exubérantes. Tout ceci les apparentant à quelques « folles du désert », arborant des expressions téméraires. Blague à part, on ne peut qu’être surpris du charisme de ces cavaliers romantiques, capables de mille roueries et chevauchant contre vents et tempêtes. Quel charme ravageur! Ces Bdoul m’ont vraiment désarçonné. Je doutais un peu de leur existence, mais ils sont bien réels!

D’avantage qu’un musée à ciel ouvert, la mythique Petra représente surtout l’émouvant vestige d’une civilisation disparue ou la survivance architecturale d’une conscience que l’esprit bâtisseur des hommes est parvenu à figer dans le temps. La fusion des canyons creusés au fil des âges et de parois ouvragées formant des avenues, désormais peuplées de visiteurs, font de l’ancienne capitale troglodyte un trésor auréolé de gloire et de mystère, incomparable dans sa conception. Les Nabatéens sont entrés dans la postérité grâce à leur génie bâtisseur, mais aussi eut égard à certaines particularités de leur culte. Ayant prouvé à leurs successeurs qu’ils disposaient de connaissances techniques remarquables pour l’époque; capables d’ériger une ville caravanière aux moults raffinements au milieu du désert, ils ont prospéré, grandi puis peu à peu sombré jusqu’à la redécouverte de la ville rose, fleuron de leur civilisation. Une telle ingéniosité force l’admiration et se révèle à la vue du site archéologique le plus visité du Moyen-Orient. Dans cette explosion de majesté funéraire et de gravité spirituelle, rehaussée par l’érosion du grès, comment ne pas envisager la sécheresse, la pauvreté, voire l’indigence de notre patrimoine architectural actuel? Que laisserons-nous donc à la postérité? Probablement rien. Peut-être après tout ne méritons-nous plus que nos successeurs se rappellent de nous…

 

Heureusement notre pilote jouissait d’une vue perçante… Nous sommes rentrés indemnes au pays.

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