La Seine à Vélo

La Seine à Vélo

Plus exactement, Mantes-La-Jolie le Havre en trois jours de roues. De toutes nos itinérances, celle-ci est de loin la moins sauvage. C’est déjà le week-end de Pâques: On file doux sur un coup de tête… Le ciel est clair. On cale nos vélos dans le TER, à destination de Mantes-La-Jolie. Belle amorce sur les berges parfumées et bucoliques de la Seine comme on la voit rarement, paradis des chats de gouttières et des passereaux. Le paysage défile d’abord lentement, puis s’enfièvre dès la ville derrière nous. Peu à peu, les forêts se densifient, quelques mares jalonnent la piste. De jolis chants d’oiseaux nous accompagnent. On retrouve un bras de Seine de temps à autre, puis nous revoilà à fleur d’eau. Difficile de perdre le nord quand on y fonce! En route pour le Vexin, droit sur le soleil couchant…

Un chien en bronze nous souhaite bonne route!

Gantée de noir, allons y voir…

Un seul hêtre vous manque et tout est peuplier…

Politique de la chaise vide

Avoir un creux

Chinoiseries en Vexin

La Roche-Guyon dominée par sa tour de garde: l’endroit parfait pour piqueniquer

Les falaises de craie du Vexin font leur apparition: La route se fait plus vallonnée

Ces charmantes petites cheminées blanches donnent l’illusion de prolonger la rue

Après la Roche-Guyon et Giverny- auquel nous avons du renoncer faute de temps- voici venir Vernon (VVV). Que de célébrités! La Seine nous régale

Allez on se remet en route, assez lambiné! Ici on longe la Seine de près…

Vous a-t-on déjà vu chez « La Petite »?

Les coins où s’allonger ne manquent pas, où va-t-on dormir ce soir?

Partis léger: ni tente, ni duvet. Pas la moindre idée du genre d’auberge qu’on va pouvoir se dégoter ici, un lundi de Pâques.

Mais en suivant le fleuve, on arrive toujours quelque-part

Et voilà! Les Andelys et son célèbre Château Gaillard! Vieille bâtisse austère et édentée, souvenir de Richard Coeur de Lion.

On enfile les kilomètres, les engrenages sont bien graissés, un lit nous attend bien quelque part, parbleu!

J’ai fait de drôles de rêves; dans l’un d’eux je me voyais aspiré dans une sorte de turbine, et je me retrouvais dans une peau très différente, avec un uniforme un peu rigide…

Un peu dans le genre de celui-ci, et j’avais cette tête des mauvais jours, l’air d’en savoir long sur un certain complot, sans être sûr toutefois…

Puis je courrais vers la mer, dans l’espoir d’échapper à ce susdit complot…

Et tout finissait là, sur un fauteuil abandonné, figurant le centre de l’univers, au milieu de nulle-part, alors j’ouvrais l’œil…

La nuit avait été courte: Les murs de notre hôtel semblaient fait d’une matière voisine du polyester et les gloussements de nos voisins de chambres nous rendirent acariâtres, jusqu’à ce que Morphée nous prenne, puis le soleil du lendemain nous fit tout oublier. il ne restait que 235km à parcourir…

On a quand même parfois l’impression que tout est agencé à la perfection dans l’univers, que tout se résume à un tableau, à cet instant précis.

Lorsqu’on est posé toute la journée sur une selle de vélo, avec un grand soleil cuisant posé au milieu du ciel, outre les douleurs posturales, on laisse divaguer sa pensée sur Dieu sait quoi, on soliloque dans un coin de sa tête, et que ça travaille du chapeau, juste pour se tenir éveillé.

Et puis, le monde, les fleurs, nous reprennent dans leur tourbillon

Nous faudra-t-il vraiment traverser la Seine?

Arrivons à Rouen, capitale Normande: On file doux, après une brève visite de la cathédrale.

Après une brève génuflexion, nous remontons en selle. Le cycle de pivotement des roues nous hypnotise. A peine se remémore-t-on la façon de marcher…

Il faut tout de même poser pied à terre; retrouver ce bon vieux plancher des vaches.

C’est le cas de le dire…

Après un sérieux coup de collier, nous faisons halte à La Bouille (reste 150kms). Un ravissant hameau, où il nous a fallu traverser le fleuve en bateau.

Au petit matin, tout est absolument calme et immobile.

C’est d’une sérénité, on a envie de lâcher le guidon, puis on voit les touffes d’orties: on reconsidère sa position.

Les arbres morts arborent des formes disloquées: Pas encore assez fatigués pour y voir un signe

Les arbres s’étirent, les bouteilles se vident et on repense à Port-Mort, ce drôle d’endroit où on avait fini par trouver un rade, pour ne pas dire un estaminet qui passait de vieux tubes rétro d’il y a un demi-siècle. Tout jusqu’au crépi des murs sentait le vintage. Les affiches de Pulp, les discussions d’hommes à moustaches, plutôt forts en gueule. Cent-cinquante kilomètres de la capitale, et on se sent projetés dans une autre réalité, ça patoise déjà un peu sur les bords, ici vous prononcez le mot « Woke » et c’est la garantie de faire un beau voyage après trois baffes et un vol plané. La question n’est pas qui dort, mais avec qui…

L’abbaye de Jumiège sous des cieux blafards, nous donne l’occasion de gambader un peu. On va bientôt fixer nos derches à la glu sur nos selles de vélo: Et ce pour les 120kms restant…

Sous-marin russe en immersion. Que font les Barbouzes?

Chacun suit son propre chemin

Et enfin! Le point final d’une échappée à deux roues!

Le final jusqu’au port du Havre a été un long chemin de croix à contre vent. Je n’ai pas pris une photo sur les cent derniers kilomètres. Or, nous en avons parcouru 150 ce jour-là, au jugé (probablement plus). Totalement harassés, après une interminable descente vers la mer (qui était en fait un faux plat rendu col de haute montagne par les vents océaniques), nous nous prélassons au bord de la mer, mais pas bien longtemps, car le train nous attend.

Petits bémols: Hélas, l’abbaye de Jumiège s’est présentée à nous sous une lumière pâlotte, très insuffisante à mettre en valeur ce que Victor Hugo considérait comme rien moins que « la plus belle ruine de France » Nous avons essuyé des rafales à plus de soixante à l’heure quasiment sur les deux-tiers du parcours, nous avons traversé des espaces solitaires et de petits sous-bois à l’orée du printemps, nous avons effleuré les paysages de l’Eure que nous ignorions tous deux (ce qui a eu l’heure de nous plaire). Il y a eu de beaux moments, comme cette traversée d’un bras de la Seine par bateau, à hauteur de Duclair (si je me souviens bien) occasionnant une rêverie légère aidée par une décompression de l’arrière-train. Globalement, nous avons épousé de notre mieux les méandres de la Seine et apprécié cette leçon d’histoire-géographie. Ce fut parfois intéressant, parfois un rien fastidieux.

Je ne recommande qu’à moitié cet itinéraire, sauf à consacrer plus de temps aux visites muséales et patrimoniales telles que Giverny, Rouen, Jumiège… Pour ce qui est de l’itinéraire, avec le recul, je me dis qu’on aurait mieux fait de finir par Honfleur, mais je ne suis pas sûr que nous aurions échappé aux vents de ce début de printemps. Aucun regret! Belle aventure tout de même…

Repos bien mérité

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