Road-Trip en Islande (Acte 2)

Road-Trip en Islande (Acte 2)

 Semelles de vent est de retour sur l’île aux dix-mille cascades!

  Cette fois, nous effectuerons le tour de l’Islande dans le sens des aiguilles d’une montre, avec d’avantage de longues randonnées, de marches loin des sentiers battus, pour découvrir lieux secrets et sanctuaires oubliés, où peu se donnent la peine d’aller. A cela, nous ajouterons quelques grands classiques de l’île, tels que la plage de diamant, Mjoifjordur ou Myvatn.. C’est toujours avec une certaine appréhension que nous retournons quelque part: L’idée-même de marcher dans ses traces nous répugne. C’est probablement la raison pour laquelle nous avons décidé de finir par le sud. Par certains aspects, ce voyage fut pour nous une tentative éperdue de nous remémorer un beau rêve, cependant, dès notre arrivée, toute crainte se dissipe quant à la réalité bien tangible de ce rêve. La nature nous pince au cœur, les lumières nous embrasent. De Keflavik, nous fonçons vers l’ouest, à Arnastapi, sur la sublime péninsule de Snaeffellsness. Les variations atmosphériques et les espaces sans fin nous éblouissent. Où que l’on regarde, c’est admirable.

 A presque vingt-trois heures, nous lançons une marche ébahie vers l’entrée du centre de la terre (théoriciens de la terre creuse, garde-à-vous!).

Déroulé du road-trip

J1-Keflavik-Arnastapi.Promenade sur la côte en fin d'après-midi.Première approche du Snaeffelsjoküll

L’Islande est un pays étrange. On a l’impression de pouvoir gambader partout alors que la totalité des terres appartient à quelqu’un. Il fait froid, il fait chaud, on ne sait jamais vraiment. Chaos et harmonie s’équilibrent à merveille, comme si ils avaient conclu un pacte secret. A l’instar du majestueux volcan Snaeffelsjoküll et de son glacier, trônant dans l’ouest de la péninsule et dominant celle-ci, ou encore de l’Hekla, des montagnes d’à peine plus de mille mètres semblent défier les cieux et tutoyer les astres. D’ailleurs, les conditions sur une modique colline rappellent celles de la haute-montagne, à savoir un vent coupant et un froid vif. Cette péninsule que nous aimons tant, pays des Elfes🧝‍♂️ selon les Islandais, diffuse une énergie tellurique profonde.  Nous tenons à débuter ce périple par l’ascension du mythique glacier, ayant servi de décor au roman de Jules Verne: Voyage au centre de la terre. C’est pourquoi nous avons pris trois heures pour atteindre Arnastapi.

J2-Ascension du Snaeffelsjoküll-Escale au phare de Malariff-Premières cascades en bord de route-Nuit à Laugar.

Ascension du Snaeffelsjoküll

Palpitante sortie au volcan-glacier, effectuée en 5h environ. Quelques détours pour admirer les cratères enneigés. S’élevant à 1446m, on aperçoit le Snaeffelsjokull de Reykyavik par temps clair. Concernant la marche sur glacier, il est très difficile d’obtenir des informations. Pour certains, il est exclu de se lancer sans guide. D’autres, plus rares, parlent d’une sortie sans difficulté. Des panneaux alertent sur la dangerosité du glacier, entaillé de crevasses béantes. A défaut d’être fixés, on se lance. La recherche d’itinéraire nous paraît évidente: L’objectif reste en vue par l’arête sud; en revanche la progression dans la poudreuse combinée au vent s’avère plutôt exigeante. Quoiqu’il en soit, l’ascension du glacier passe largement pour une personne en bonne condition physique, tout du moins, par temps clément. Dans l’après-midi, nous laissons derrière nous la péninsule de Snaeffelsness pour rejoindre le secteur du Reidafjordur. Déserts de cendres et landes basaltiques, hérissées de petits cônes rougeâtres: Nous y avions passé un moment juin dernier, aussi filons-nous vers notre destination: Laugar.

La trace du sentier disparaît sous la neige. Nous évoluons dans un univers monochrome, en suivant les empreintes de rares prédécesseurs. Dans un premier temps, le manteau neigeux suffit à maintenir une bonne allure, mais les derniers kilomètres nous réservent une neige molle et profonde, rendant la marche bien moins évidente… La conscience flotte et les pensées digressent. La progression est heurtée. Beaucoup de vent là-haut, on ne reste qu’à peine une minute pour profiter de la vue…

Ne nous laissons pas abuser par l’apparente décontraction exprimée sur cette photo. En réalité, ce fut une montée difficile, dans une neige molle, gluante et traîtresse. Parfois, nous nous demandions pourquoi, selon le Magazine Géo, cette modique grimpette devait nécessiter les services d’un guide. Cet océan blanc abriterait-t-il des crevasses? Pour ne pas trop y penser, on faisait les pitres.

Escale au phare de Malariff

Premières cascades en bord de route

Svodufoss, au nord de la péninsule

Bugsfoss, médaillée d’argent au triple saut

J3-Vallée de Saelingsdal-Ranagil

Troisième jour de soleil, du jamais vu! Nous avons dormi à l’orée d’une petite cascade silencieuse, à quelques kilomètres de Laugar. Les automatismes s’installent: On va se débarbouiller à la rivière, remplir ses bouteilles. Après un café bien noir, nous entreprenons une randonnée de quelques heures vers le canyon de Ranagil, richement paré d’ardoises rouges et de rhyolites. A la suite de quoi, nous transitons vers la région d’Akureyri, plein nord. Sur une route émaillée de cascades, comme toujours.

Nous entrons enfin dans le canyon de Ranagil où s’écoule une petite rivière. Après de multiples passages à gué, nous parvenons à une cascade. Les roches détritiques arborent de fascinantes couleurs propres à la rhyolite. Certaines d’entre elles abritent des cristaux.

Changement d’environnement: Lors d’un arrêt à Horgarsveit, au bord de la route, nous entrons dans la superbe vallée montagnarde d’Oxnadalur, menant à la deuxième ville du pays (et capitale du nord): Akureyri.

Et enfin, grâce à un cycliste à l’arrêt qui attire notre attention, nous remarquons qu’une petite pistouille mène à un monstre rugissant, hélas anonyme..

J4-Lambi trail

On ne lambine pas avec le Lambi Trail: Un long parcours de 21kms (nous en ferons en fait 28) débutant à l’embouchure de la vallée de Gleràrdalur, jusqu’au fond de vallée où se trouve le chalet du Lambi. L’itinéraire, sur le papier, semble peu engagé sportivement avec un faible dénivelé (600m+) mais il est truffé de pièges!  Surtout dans sa seconde partie, où il devient moins roulant et extrêmement boueux. Au menu, névés, ponts de neige, bourbiers en cascade et traversées de gués par dizaines. Pour un mois de juillet, il y avait beaucoup de neige, rendant la vue magnifique, cependant toute notre attention était requise!

Au cours de cette randonnée, on peut observer le Pétrel des neiges (Fulmar des neiges ou Pagodrome) dont l’habitat naturel est la banquise. Il faut avoir l’oeil tant sa robe se confond à la neige…

J5-Godafoss-Vindberlgfarjall-Solfatares Namafjall-Grotte Grjotagja-Cratère Hverfjall-Dettifoss

Godafoss

Le lendemain, un programme chargé nous attend: Nous basculons du secteur d’Akureyri à celui de Myvatn. Tout d’abord, nous retournons admirer la somptueuse cascade de Godafoss, plus en beauté que l’an dernier.

Nous poursuivons avec une courte montée vers la montagne de Vindbelgjarfjall, dont le sommet offre une vue imprenable sur le lac Myvatn. En réalité, de là-haut, on domine un véritable archipel de petits lacs. Les contreforts de la montagne sont propices à l’observation ornithologique.

Solfatares de Namafjall par les crêtes

Après le déjeuner, nous explorons les fameux solfatares de Namafjall par les crêtes. Un minuscule parking improvisé (gratuit quant à lui) permet cette petite variante à la visite de Hverir, avec ses fumeroles et ses marmites de boue. Bien-sûr, cette vue d’ensemble peut s’apparenter à un survol, mais il présente l’intérêt d’offrir un point de vue singulier sur les ocres du souffre et l’argile grisâtre de cet incontournable de la géothermie. 

Grjotagja

Suite à quoi, nous nous rendons à la célèbre crevasse de Grjotagja, sans pouvoir, hélas, nous y baigner. Nous constatons, par contre, un peu effarés, qu’un bassin secret existe en contrebas, fréquenté par les Islandais. Ils s’y rendent tard le soir, après le dîner, quand l’affluence retombe peu à peu, de peur qu’on ne les surprenne. Il faut bien qu’il leur reste quelques spots, n’est-ce pas?!

Non encore rassasiés, depuis le parking de Grjottagja nous empruntons un agréable sentier au milieu des bouleaux qui nous mène droit vers les abords du cratère Hverfjall. Une fois à son sommet, un vent cinglant nous cueille. Le tour du cratère est assez décoiffant!

Detifoss

Bientôt minuit, nous décidons d’aller faire un bref coucou à Dettifoss, histoire de l’avoir pour nous tous seul. Pari gagnant! A bientôt une heure du mat’, l’intense rugissement nous remplit de stupeur. Un peu assommés, on se dit qu’on ira peut-être voir Selfoss une autre fois. Après vingt-huit kilomètres au compteur, une petite sieste nocturne sera bien méritée!

J6-Hafragilsfoss-Jokulsargljufur-Raudholar-Holmatungur(Katlar)

Hafragilsfoss

Réveil au milieu de nulle part. La carlingue a tenu bon. Toute la nuit, nous avons essuyé une tempête de sable. Le véhicule a dansé; l’horizon a pris cette curieuse teinte jaune. En tout cas, on sait maintenant avec certitude que la nuit ne tombe pas. Naj et moi avons à peine fermé l’œil dans ce blizzard aride. On se sentait comme en mer, par temps de houle. Du coup, nous reprenons péniblement la marche, les jambes lourdes, la bouche sèche et les paupières collées. Hafragilsfoss nous décille. Ce mode de vie a du bon, me dis-je en contemplant la beauté brute (et presque brutale) de ces paysages, bien qu’il nous inflige à la longue quelques douleurs articulaires bien sévères, et qu’on doive se passer de café en cas de gros temps. Lutter contre des rafales à plus de 120km/h relègue la question du café au second plan, mais on se dit que ça ferait du bien. 

Jökulsargljufur

En fin de matinée, nous quittons ce vaste champ de lave ensablé pour découvrir le nord du parc de Jökulsargljufur (dont Dettifoss fait partie). Une vraie curiosité, magnifiée par l’ascension du volcan Raudholar.

Brève escapade au volcan Raudholar, interdit d’accès (car piétiné à l’excès).

Puis, toujours un peu groggy, on improvise une sortie d’un goût plus bucolique à Holmatungur, qui nous fait beaucoup de bien. Malgré la fatigue, nous savourons chaque minute. Le sol est couvert de fleurs, les parfums foisonnent, les insectes virevoltent; c’est l’un des endroits les plus verdoyants de l’île, avec la forêt d’Hallormstadur. Exactement ce qu’il nous fallait.

J7-Rjukandafoss-Storurd(Dyrfjoll)

Rjukandafoss

Nous roulons de bon matin en direction de l’est. Courte escale à Rjukandafoss. Encore une fois, ça vaut largement le détour. On se dit tous les matins: « Est-ce qu’on a le temps de s’arrêter? » A raison d’une cascade tous les cinq-cent-mètres (pour ceux qui ne comprendraient pas qu’on devienne si tatillon), la question finit par se poser. En Islande, on ferait la fine bouche pour une chute de 90m; il faut y être allé pour appréhender cela. A ce jour, devenus très sélectifs, on n’a jamais regretté un arrêt sur la route. De même, sur les pentes soutenues de Rjukandi, nous contemplons, admiratifs, cette élégante cascade dont nous n’avions même pas entendu parler. Afin de détailler ses nombreux sauts, puis le désert d’ocre d’où elle provient, nous avons fait l’effort de grimper sur le dos du monstre… Il ne reste qu’à redescendre!

Le programme se dessine tout seul: A la faveur d’une météo clémente, nous optons pour Storurd, au pied de la chaîne de Dyrfjoll. Véritable coup de cœur! La lumière y est exquise, le Fjord nous adresse un premier sourire de fortune. Tout simplement l’une des plus belles marches en montagne qu’on ait faite cette année, voire ces dix dernières années. L’intérêt de la sortie va crescendo; le final à travers les éboulis s’ébrouant dans des eaux turquoises se révèle tout simplement grandiose. Nous avons d’ailleurs laissé une trace de notre enthousiasme dans l’urne (livre d’or) prévue à cet effet. Tradition Islandaise!

A l’est du petit Fjord du Borgarfjordur Eystri, nous cheminons sur un bon sentier, marqué par les habituels piquets bicolores. Au départ du col de Vatnsskarð, nous entamons la montée vers la croupe montagneuse du Geldingafjall, à l’ouest du Mont Sulùr. Il existe cependant plusieurs variantes pour atteindre l’objectif de Storurd.

Après une bonne heure de marche, nous parvenons à un carrefour. Sur notre gauche, un sentier monte au col, en direction de Bakkagerdi. Quant à nous, nous continuons tout droit, en travers de larges névés, jusqu’au fameux champ d’éboulis.

Enfin, il est temps de faire demi-tour, mais les eaux calmes du lac glaciaire nous hypnotisent, du coup nous temporisons un peu.

J8-Hengifoss-Strutfoss-Mjoifjordur

Hengifoss

Nuit difficile à Hengifoss. La formule Duster-Formule 1 (comprenne qui pourra) n’a pas très bien fonctionné. Nous avons eu la mauvaise surprise de partager l’auberge avec deux rois de la gamberge, deux barges à faire fuir les lucioles. Montée laborieuse à la cascade aux aurores, dans un décor fascinant. Déjà du monde sur la plate-forme d’observation, beaucoup moins au pied de la chute.

Strutfoss

S’en suit Strutsfoss. Après une marche bucolique dans les lupins d’une agréable prairie, jusqu’au profond canyon inaccessible où se jette la chute. Au retour, on décide de goûter la « lamb Soup » d’un « Food Truck » de bord de route, (Naj n’y tenait plus) lequel nous rassasie. Il était quand même temps de découvrir le plat national! Mieux vaut tard que jamais.

Mjoifjordur

Ragaillardis, on se lance à l’assaut du célèbre Mjoifjordur, peu après midi. La piste fourmille de véhicules de tailles diverses. Au flanc de montagnes déchiquetées, des cascades dégoulinent de toute part, jusqu’à la principale: Celle de Klifbrekkufossar. En extase devant celle-ci, nous descendons lentement au village de Brekka, peuplé de 42 âmes. Un hameau de pêcheurs à l’ambiance paisible. Nous nourrissons quelques regrets de ne pas y avoir passé la nuit. Hélas, le camping était plein. Quel endroit merveilleux! Les montagnes pommelées de neige, la mer d’un bleu indigo! Une chose est sûre: Nous reviendrons dans les Fjords de l’est.

On aurait envie de descendre de voiture toutes les trois minutes, tant l’environnement rayonne de mille feux. C’est clairement l’un des plus beaux fjords que nous ayons vu! Cette avancée de la mer à l’intérieur des terres enneigées, quelle sérénité… 

J9-Reykyafjordur(cascade sans nom)-Streitshvarf-Hvannagil

Reykyafjodur (cascade sans nom)

Peu à peu, nous glissons vers le sud. A l’entrée de Raykjafjordur, un camping paisible au bord d’un lac nous a offert une nuit réparatrice. A l’aube, notre bombonne de gaz rend l’âme. Café à la station du coin. On flâne en compagnie d’un chien vers une cascade injustement boudée, et anonyme d’après nos connaissances. C’est devenu un vrai rituel: « monter à la cascade ». Un bon moyen de se remettre en marche.

Streitshvarf

A notre surprise, le temps se maintient. Serions-nous bénis des Dieux? Dans ces conditions, rouler est un plaisir. La splendeur du paysage éclate de toute part, on devine des trésors où que l’on porte son regard, des volcans, des glaciers, des fjords. Brève halte à Streitshvarf. Au delà du phare, un fascinant littoral marquant les confins des Fjords de l’est se dessine. Improvisation sous un ballet de mouettes et de sternes arctiques d’humeur joueuses, d’huitriers pie aux cris stridents. Explorant jusqu’à la pointe sud-est, nous cherchons l’oiseau rare. Une grèbe, un fou de Bassan nous irait très bien.

Une heure plus tard, on se dégourdit les jambes sur une longue plage de sable noir en auscultant chacun de ses galets polis, avant d’entamer une marche plus consistante dans les montagnes de Liparites de Hvannagil. Une sortie dont l’intérêt va crescendo. Un mini Wadi-Rum à deux pas du Vatnajokull!

Hvannagil

Région austère, dépouillée, quasiment désertique, où l’eau se raréfie. Néanmoins, nous tombons sur un lac, presque par hasard. Encore une région d’une grande beauté, nantie de cônes volcaniques couleur fauve et de canyons aux teintes de grès, d’argile rouge.

Vue du camping d’Hofn sur la montagne qui fut le premier lieu de peuplement d’Islande, Vestrahorn

J10-Diamond Beach - Jokulsarlon - Mulagljufur - Fjallsarlon - Gorge inconnue

Diamond Beach

Nuit calme au camping d’Hofn. Réveil paisible à six heures du matin. Aujourd’hui, peut-être allons-nous tremper nos pinceaux dans des paysages moins solitaires. Autrement dit, on s’attaque à des classiques du sud, avec une curiosité teintée d’appréhension. 

Aussi arrivons nous tôt à la Diamond Beach, où des sculptures de glace, éphémères et fragiles, nous fascinent jusqu’à l’arrivée d’un surnombre de touristes.

Jokullsarlon

Nous basculons alors sur la lagune glaciaire de Jokullsarlon, où les foules sont déjà là. Les autocars se déversent en un curieux manège. Qu’importe, nous poussons la marche bien au-delà, invités par les formes oniriques des micro-iceberg dérivant dans la lagune, dont certains accostent. Des crêtes, la vue est magnifique, le temps passe comme un souffle. Les canards polaires se plaisent beaucoup au milieu de cette galerie d’art à ciel ouvert, émanant du majestueux glacier.

Canyon de Mulaglufur

L’après-midi, nous nous rendons tambour battant au canyon de Mulagljufur. On peut lire beaucoup de choses au sujet de cette gorge d’une spectaculaire étroitesse, qui jouit d’un regain d’attention depuis quelques années. Sur de nombreux guides en ligne, vous pourrez lire que le sentier menant au fond du canyon reste peu fréquenté. Hélas, ce n’est plus le cas. En pratique, le bouche à oreille à fait son œuvre et cette brève randonnée vous fera goûter au cosmopolitisme des estivants. Alors, certes, vous ne serez pas seuls, mais quelle cadre stupéfiant!

Fjallsarlon

Petit détour pas le Fjallsarlon, que nous connaissons bien pour y avoir dormi l’an dernier. L’ambiance y est peut-être moins polaire (et nettement moins prisée) qu’à Jokulsarlon, mais quelle drôle de vue sur le Myrdajokull! On ne s’en lasse pas…

L’épilogue de cette journée radieuse se fera dans une petite gorge, au milieu de nulle part. Un lieu que nous ne connaissions pas, que nous n’avions donc pas prévu de visiter et qui ne figure sur aucune carte. On s’y s’enfonce, comme le soleil dans les marais. Superbe environnement, démontrant une fois de plus la beauté brute de l’Islande au quotidien, loin des spots de gala.

J11-Stjornafoss-Fjadrargljufur-Fagrifoss-Vik

Le temps a tourné. Il a plu toute la nuit. Il fallait s’y attendre. Nous comptions lancer une très longue marche à Skaftafell, par exemple le Kristinatindar déjà effectué l’an dernier (par gros temps). Hélas, nous devons changer nos plans. La pluie redouble et son cousin, redoutable, le vent, s’en mêle: Nous roulons vers l’ouest, avec l’espoir d’une accalmie. Sur la route, on découvre une cascade en forme d’araignée, Stjornafoss. Par la suite, toujours un peu dans l’expectative, nous effleurons les hautes-terres: D’abord au bien connu Fjadrargljufur. Puis, au fil d’une piste embrumée et sauvage, nous découvrons la méconnue chute de Fagrifoss. Encore une expression sidérante de la nature. D’abord calme, à peine un ruisselet dans lequel un marmot pataugerait, puis une cascade furieuse, brutale et vipérine. Nous retournons à Vik et nos paupières tombent d’elles-mêmes.

 

J12-Cratère de Raubibotn(Holmasarlon)

 Avez-vous déjà eu envie de pleurer devant un paysage? Avez-vous déjà senti cette émotion monter en vous? Entre le ventre et la gorge. Une basse profonde, la voix de la Terre-Mère…?

En Islande, l’amour de la nature tourne vite à l’exaltation. On se sent catapulté au commencement du monde, un instant avant l’Histoire. Au risque de succomber à une crise nerveuse après avoir éprouvé cela, on va de l’avant; oui, on se relance. A quoi bon résister? En Islande le globe-trotter le plus blasé, l’esthète le plus endurci, aura de quoi tomber de sa chaise. Enfin, de son siège-passager. Depuis une dizaine de jours, on reste actifs de 7h du matin à minuit, n’empêche que c’est le temps qui décide de tout. On se rappelle cette tempête de sable en plein désert de lave, de ces rafales sèches, ciselées au Landmanalaugar! L’atmosphère reste chargée. Une tension sourde entoure nos pas. Les nuages stagnent très bas, et pèsent lourd sur les montagnes. Quoiqu’il en soit, après un café serré à la station-service, nous prenons la décision de percer dans les hautes-terres. Les prévisions sont exécrables; des brumes s’agrègent aux crêtes, descendent même lécher les plaines. Cette atmosphère, traversée d’éclairs brefs, comme un os se met à briller, nous l’avons bien connue l’an dernier; on sait qu’elle peut durer. Alors, autant être beau joueur! Notre destination sera donc aujourd’hui le cratère de Raubibotn. Pour l’atteindre, nous roulons une heure et demi sur des pistes de sable noir et franchissons plusieurs gués. Une fois atteint le bout de la piste, nous entamons la marche, sans bien savoir où on met les pieds. L’endroit est désert, ce n’est pas une surprise. On y voit à peine à trente mètres. Par moment, la brume se déchire tout doucement. Alors, c’est comme une métamorphose. Les bruits de succion qui nous entourent sont d’une douceur infinie, la nature semble tournoyer à toute vitesse. Les jeunes mousses perlées, soyeuses, lumineuses éclatent ça et là, comme pour nous guider. On croirait voir des étoiles reluire dans leurs crinières. Des spectres de fleuves et de cascades s’esquissent. C’est l’Islande qui nous a ému: Une sorte d’initiation, une expérience spirituelle. L’ambiance prend aux tripes. Nulle trace du Maelifell que nous espérions tant, ni de la réserve du Fjallabak. Qu’importe! Parfois, ce que l’on devine est plus beau que ce que l’on voit.

En fin de journée, la visibilité s’améliore un peu; toujours pas trace du soleil cependant. Nous retournons dans la région de Vik et marchons hors-piste en direction d’un col dans la direction du ténébreux glacier, le Myrdalsjokull.

Comme bien des fois, nous sommes rentrés groggys et les pieds détrempés, totalement abasourdis par la beauté virginale et austère des espaces traversés (hélas intraduisible en photo) lors de cette randonnée « à l’écossaise ». Il a fallu trois jours pour que nos chaussures sèchent, et le retour en 4/4 fut assez épique. Sur ces pistes campagnardes, fermées neuf mois l’an, ces longs rubans sombres où on ne croise personne pendant des heures, on éprouve la véritable signification du mot: Road-Trip. Une sorte d’échappée loin de tout, hors du temps. J’en connais qui vont bien dormir cette nuit, au sec!

J13-Dyrholaey-Skogafoss-Seljandafoss/Gljufrabui-Nauthusagil-Gluggafoss

Après une soirée froide, passée à crapahuter au-dessus de Vik, nous entamons ce treizième jour par la dégustation d’un Skyr et un rapide concile à propos du temps. Fait-il assez beau pour lancer une nouvelle expédition dans les Hautes-Terres? Le village est sans relâche battu par les vents, mais étrangement pas la péninsule de Dyrholaey, semble-t-il épargnée. Les conditions sont idéales pour observer les Macareux, bien qu’il pleuve par intermittence. Il ne faut pas une minute pour tomber sur l’un d’eux, puis sur un mignon petit couple en redingote. Il pleuvine; cela ne gâte pas les photos, puis c’est l’averse. Nous enchaînons par quelques célébrités locales du sud de l’île: Skogafoss, Seljandafoss et Gljufrabui, après quoi nous faisons route pour Porsmork, sans intention de nous y rendre, en vue d’une future escapade. Petites marches d’approche vers une gorge méconnue, abritant une flopée de cascades. Un peu plus tard, nous abordons un canyon très étroit, situé en bord de piste F249. Et enfin, nous allons fureter derrière la Markafjot, la cascade de Gluggafoss (qui en abrite 5!)…

Comme cela nous arrive au moins une fois par jour, nous en avions assez des lieux que tout le monde connaît, alors on s’est lancé à la découverte d’une petite gorge sympa, un peu perdue, histoire de s’enfoncer dans le paysage (et de sortir de la carte). Dans ce sud spongieux, parfois indigeste, gorgé de touristes avides, la sensation pénible de consommer des paysages à la chaîne nous effleure parfois. Cet infime pourcent de nature sauvage commence à être envahi, et nous faisons partie de cette invasion. A ceci près que… De quoi semelle-t-on?

J14-Skogafoss-Fimmvorduhals-Skogafoss

Pour finir en beauté, malgré une météo mitigée, nous partons sur une longue marche reliant Skogar à Fimmvorduhals. Un aller-retour de plus de 8h, ruisselant de chutes d’eau somptueuses. Nous traverserons des paysages lunaires et des chaos rocheux tapissés de mousses, des environnements de gorges, de plaines enneigées. Au bout du compte nous dénombrerons trente chutes d’eau! Certainement l’une des sorties les plus extravagantes qu’on puisse tenter au bord d’un torrent! On ne perd que rarement de vue le glacier du Myrdalsjokull, en constante évolution, déclinant champs de lave, névés bleus et cataractes écumantes. Un bouquet final tout simplement inoubliable!

J15-Pjofafoss-Fossabrekkur-Kerid-Pingvallavatn-Keflavik

Réveil en douceur au pied d’une petite chute campagnarde. Nous profitons du beau temps pour aller nous promener aux abords de Pjofafoss, savourer notre toute dernière journée. Pjofafoss est une petite chute dévalant la plus longue rivière d’Islande, relativement ignorée des photographes. Le secteur est dominé par l’Hekla, l’un des volcans les plus actifs et tristement connus du pays. Petite déambulation non loin de Fossabrekkur, le long d’une rivière scintillante. Comment penser qu’un endroit aussi idyllique abrite un si terrible danger? Découverte du cratère de Kerid, une attraction du cercle d’or, que nous goûtons très peu. Puis pour parachever ce périple intense, rien de tel qu’un adieu au Pingvallavatn! Juste comme ça, en passant…

Les contreforts de l’Hekla ne laissent rien présager de sa dangerosité…

Hekla qui a de faux-airs de l’Etna

Kerid aux eaux ridées

Un coin de pêche à la mouche 

Epilogue

Quelle est cette étrange beauté que nous éprouvons face à un être humain, perdu dans la nature immense, et l’affrontant, en un sens, en combat singulier? Boire l’eau des glaciers, avaler de grands vents fous, vagabonder sur une lande glaciaire, rouler des heures sur des pistes de sable se transformant en billard de cendre, grenouiller à travers des paysages apocalyptiques, essuyer des tempêtes de sable en priant que les écarts de direction ne soient pas « décisifs », se répéter des phrases en Islandais dans l’espoir de les déchiffrer, esquiver une attaque de sternes sur la plage, se baguenauder avec un chapeau pour éviter qu’elles ne vous percent le crâne, perdre ce même chapeau dans la rafale, se lancer au fond d’une grotte, marcher sur des rivières gelées, traverser à gué dans un brouillard épais, s’enfoncer dans un paysage rugueux et s’étonner que la sente soit moelleuse, marcher pieds nus sur un champ de mousse, laper une soupe d’agneau en observant un mouton traverser la route. Telle est l’Islande que nous connaissons! 

En somme, voilà ce que nous avons pu constater:

L’ouest, par lequel nous avons débuté, reste fréquenté, sans excès toutefois. On est  rapidement seuls sur les pistes F. Sur la route circulaire, en revanche, on ressent l’empreinte de juillet.

Le nord a par contre le don de faire disparaître les millions de visiteurs, que nous ne croisons nulle part. Le sentier menant à Lambi, malgré son tronçon commun avec le mont Sulur, fut l’un des plus déserts que nous ayons pratiqué. Pour ce qui est de Myvatn, il n’y a pas foule non plus, du moins aux heures stratégiques (matin, soirée). Les gens ne randonnent pas en Islande. Même une petite montagne nécessitant une heure de marche à peine (type Vindbelgjarfjall) n’aura ici que fort peu de conquérants. On peut aussi s’assurer un tête-à-tête intime avec Dettifoss à condition d’y venir après minuit (!). Quoiqu’il en soit, jusqu’aux fjords de l’est, la fréquentation est supportable. 

Ce n’est qu’à partir d’Hofn que s’inaugure le grand barnum des jeeps, mobils-home, vans etc, un chapelet de véhicules plus ou moins monstrueux, détraquant un peu la circulation. A ce trafic dense, une enfilade de sites surpeuplés s’étalant insolemment au bord de la route, s’ajoute une fâcheuse humeur céleste. « Te fais pas de bile, ça va passer, dis-je sans trop y croire. En réalité, le sud est à la fois plus cher, plus peuplé (les parkings absorbent vos couronnes avec une certaine volupté) et nettement plus vicieux sur un plan climatique. Il pousse parfois la comédie jusqu’à vous faire croire qu’il fait beau, alors qu’il fait moche… Après presque dix jours de randos en solitaire, on affronte maintenant une bande de trolls assoiffés de paysages, de glaciers et d’éruptions photogéniques! La transition n’aura pas été simple, cela dit, nous trouvons de nombreux charmes aux sites fréquentés, revenons même à Skogafoss, avant même d’entreprendre la première partie du fameux trek légendaire du Laugavegur. Par certains aspects, le sud fait office d’épouvantail, attirant les oiseaux migrateurs du monde entier. Il concentre, de fait, toutes les merveilles de l’île, si ce n’est les fjords, dans un périmètre assez restreint, encore qu’il déborde des limites du cercle d’or. En dépit de tout, la variété des environnement y est si magistrale que, pour rien au monde, nous ne saurions nous passer d’un petit détour par Vik ou Hofn, villages par ailleurs bien pratiques pour se ravitailler, ou faire un petit plein

Mon amour pour l’Islande fait très probablement écho à ma passion des lieux abandonnés. Cela ne signifie pas que les paysages aient quoi que ce soit de lugubre, ou que les constructions tombent en ruine. C’est plutôt qu’il y a quelque chose d’infini, une aura étrangement spectrale, donnant à certains environnements Islandais un caractère sidérant, comme si-ils ouvraient sur une dimension parallèle. 

Cela se produit souvent dans les Hautes-Terres. L’esprit de la nature, la puissance-même. Sur ma selle de vélo, je respire les gaz d’échappement, slalome entre les voitures; ici, la puissance est entravée. De Paris, je ferme les yeux pour m’échapper là-bas, dans les hautes-terres. Je me rappelle les pierres molles, le vent des landes, la liparite, je revois ces mousses couleur de bronze- ces mousses qui font vibrer le ciel, dans lesquelles s’enfoncerait un insecte d’un gramme. Cet océan de mousse vous donne envie de courir pieds nus, d’enlever ses chaussures: Comme si-il fallait que les semelles de vent deviennent le vent lui-même. Et soudain, je me repens. Je m’accuse d’avoir si souvent foulé le corps des mousses sans fin, l’immense paradis moussu, fragile et immortel. 

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