Il y a une trentaine d’années, je découvrais le Cantal. Ses châteaux en nid d’aigle et ses églises romanes, ses pâturages et ses vaches. Aujourd’hui, je me demande comment ça a tourné. Après une brève visite de Salers, nous allons musarder sur les crêtes du Puy Mary, puis nous découvrons le pas de Cères, les méconnues gorges du Bès. Sans oublier nos habituelles sorties de route. Dans ce magnifique département, je constate que rien n’a changé. La population locale résiste mieux que beaucoup d’autres à la défiguration moderne: aux parkings, aux autoroutes et aux supermarchés. Rien que pour ça, la contrée vaut le détour. Les villages sont beaux et altiers; leur parure médiévale semble demeurée intacte. L’austère beauté des castrums, juchés sur leur perchoirs de basalte, ajoute à l’impression de « voyager dans le temps » plus que dans l’espace. Chaussons donc nos semelles de vent!
Petit arrêt au château de Val: Où l’on constate les crues.
Cascade de Salins: Un incontournable du pays de Salers
La pluie reprend de plus belle. Un flâneur Cantalou croisé en chemin nous indique qu’il n’a jamais vu ça. Il pleut depuis des mois, sans discontinuer, au moins cent jours que l’herbe n’a pas été sèche. D’où le débit puissant de la cascade.
Il va falloir passer derrière cette furie, et sous une pluie battante!
Un petit pont de singe va nous faire traverser rive droite. Le bourbier s’accentue, la pluie s’intensifie.
Simple formalité
Puis nous arrivons à l’église de Salins, avec ses petits airs de maison hobbit
A la fin de cette petite boucle digestive, on retrouve notre cascade. Au-dessus de laquelle, le ciel bleuit timidement
Chœur liturgique de l’église Saint-Matthieu
Brève ballade à Salers, entre deux averses
Ca reste un peu couvert tout de même…
Le pays de Salers se dévoile par éclipses
Et la journée s’achève ainsi… Trempés des pieds à la tête!
Le lendemain, nous prenons la route pour le Puy Mary. Juste après un virage, dans un lacet nous menant au pas de Peyrol, nous tombons nez à nez sur une petite chute d’eau, discrètement lovée dans une combe: Les cascades du Biaguin nous ouvrent leurs portes.
Bon, par ici, le plafond n’est pas loin de s’écrouler…
Cascade de Biaguin inférieure, après un gentil petit hors-sentier
Des arbres difformes et scrofuleux
On pourrait croire la vue bien dégagée, mais un épais brouillard enveloppe le nez du Puy Mary, et un vent violent souffle là-haut. Nous y grimpons une première fois au pas de charge, pour finalement nous décider à remettre notre parcours en crêtes à un jour plus favorable, pour cause de mauvaise visibilité. Nous nous féliciterons de ce choix…
Brève halte au buron d’Eylac. Le climat est changeant, étonnamment froid pour la saison. On ne quitte plus nos manteaux.
Finalement, nous redescendons vers les cascades d’Albepierre où le temps est nettement plus clément
Vue latérale sur la cascade des Prés-long, dans l’arrière-pays de Murat
La cascade des Vergnes en frontal
Puis en vue latérale, autant que faire se peut…
Puis pour finir la cascade du Prapsou. Une jolie trilogie sur un chemin hélas peu immersif que nous aurions aimé plus sauvage
Nous rallions Murat, où nous passerons la nuit à l’auberge des Volcans
Mais pas avant une jolie étape au moulin de Chambeuil
Avec un bref crochet par sa cascade, au look particulièrement destroy
Le saut supérieur de Chambeuil, qui ne s’atteint qu’en hors-sentier. Encore une journée plutôt riche en cascades…
La journée du jeudi, qui devait initialement être consacrée aux environs de Murat, nous replonge dans les plus hautes cimes du Cantal. Et cette fois, le beau temps est au rendez-vous. Bien qu’un infime nuage coiffe le Puy Mary. Quelle obstination!
Une fois là-haut, la vue change. L’ocre et le jaune paille dominent le vert des prairies…
Le paysage « haute-montagne » des crêtes s’affirme
Qu’il fut judicieux de reporter à aujourd’hui!
Georges Pompidou a, lui aussi, mérité son Mont Rushmore
Léger embouteillage à la brèche de Roland
On ne le sait pas encore, mais cette petite pyramide qui se dresse face à nous, alias le Puy Griou, sera notre lieu de pique-nique d’ici une heure
Début de l’ascension au Puy Griou
Vue au sommet, côté plateau du Cezalier
Vallée de la Jordanne…
Un bon gros névé à l’épaisseur d’un édredon se glisse sous nos pas
Les mille nuances de vert laissent songeurs… Une belle palette qu’on aurait envie d’emmener avec soi…
Du sommet du Puy Peyre Arse, l’horizon s’élargit…
Encore un dernier névé à franchir…
Les crêtes dans la lumière de fin de journée…
Difficile d’imaginer que ces crêtes en S forment un seul volcan vestigial
Re-voilà le Puy Griou
Vue « démystificatrice » sur la brèche de Roland
Vue « mystificatrice » sur la brèche de Roland
L’ombre du voyageur
Il est rare de pouvoir embrasser d’un seul regard l’intégralité du parcours effectué. Ici, sur le flanc est du Puy Mary, on peut distinguer (sans effort) un bout du Puy Peyre Arse et le Puy Griou sur la droite. Ainsi avons-nous salué chaleureusement la crête sur laquelle nous venions de filer une radieuse fin d’après-midi
Dernier adieu
Une vierge à l’enfant dans l’église de Murat
C’était une journée presque miraculeuse…
Ne nous enflammons pas tout de même!
Et Murat murmura: Mes murs ne sont qu’aura!
Une ambiance étrange et atemporelle entoure cette ville, qui n’a peut-être pas le cachet de Salers mais n’a rien à lui envier côté mystère
A l’écrin apaisant, au calme tranchant avec sa pulsation sauvage… Si facile d’accès pour une fois
Et comment se nomme cette beauté? Faillitoux!
Ne commencerait-on pas à avoir les yeux embués?
Au pied de cette impressionnante cataracte, l’arc-en-ciel d’usage nous adresse un clin d’œil…
Une chute vertigineuse de plus de 40m, derrière laquelle il m’a fallu passer
Puis nous découvrons une autre chute, non loin de là. La Roucole. A l’entrée du Pas-de-Cère et des gorges éponymes
Malgré la violence du débit, la Roucole conserve sa forme de fourche
On pourrait croire à une reculée Jurassienne…
Tentative d’approche par les sentiers marrons… Multiples griffures, glissades, recherche d’itinéraire…
On n’ira pas plus loin. Par manque d’entretien, l’étroite sente a disparu sous les ronces
Revenons-en à des sentiers normaux…
Joli coin pour casser la graine
De bien belles gorges!
Le Pas de Cère
Ce lieu précis des gorges dégage un parfum de mystère envoûtant…
Mignonnets éventails
Certes, la promenade est célèbre, d’une longueur raisonnable et bien aménagée pour les enfants. Malgré cela, l’afflux y est relativement faible au printemps et il n’est pas difficile de trouver un coin paisible. La fermeture saisonnière des gorges de la Jordanne nous avait causé des inquiétudes sur ce point. Mais la fréquentation du site s’avère loin d’être rebutante et c’est un vrai plaisir de lire tant d’enthousiasme sur le visage des enfants.
Un peu plus au sud, dans le pays de Saint-Flour, la cascade de Maleval
Maleval, à l’étage supérieur, après une brève grimpette
Le lendemain, tôt dans la matinée, cap sur la Lozère, non loin du viaduc de Garabit
De bonne heure, j’aperçois un faisan, qui disparaît dans les genêts.
Au-dessus des gorges encore à couvert, nous parvient ce méandre sublime. La vallée s’enfonce entre les roches, entre Cantal et Lozère, en toute sérénité. Né sur les plateaux d’Aubrac, le Bès vient mourir dans la retenue du barrage de Garabit-Grandval
D’imposants éperons rocheux se dressent devant nous. On entre de plain pied dans les gorges du Bès.
Quelquefois le paysage nous rappelle le Tarn, en particulier les gorges de la Jonte.
Les formes d’une vieille cité perdue
Des colonnes de granit dans lesquelles on devine des statues d’anciennes divinités
Le progression se fait tranquillement, bien qu’à l’aplomb du vide…
Ici s’érige ce qu’on pourrait appeler le verrou du Bès
Une roche fendue sur le trajet…
Coup d’œil plus bas, dans les profondeurs. Ne baisse pas ta garde, me répète une voix…
Les chemins longent en permanence le vide et l’incroyable beauté du site peut rendre distrait…
Ah tiens, une cascade… Il ne manquait plus que ça!
Plus tard, on trouve un petit coin à l’ombre pour se reposer. Pour la première fois de l’année, nous avons eu trois jours de soleil d’affilée.
Découverte d’une petite chute pendant que Najate fait la sieste…
A fleur d’eau
Les plus sages gorges de la Truyère
Murat nous adresse un dernier clin d’œil avec cette maison loufoque et un poil inquiétante…
Et voilà ce qu’on trouve dans le jardin…
Dernier regard sur le Puy Mary
Que cache donc cette porte?
La magnifique église Saint-Léger de Cheylade arbore une voûte pareille à nulle autre…
Et de magnifiques ornements, derrière sa façade un peu sévère…
Nous en sommes restés bouche bée…
Jusqu’à la prochaine chute…
L’imposante cascade du Sartre
Suivie de la cascade de la Roche, altière et majestueuse, comme un certain terrien du même nom
Que re-voici dévalant ses orgues, ainsi qu’elle le ferait d’accords majeurs sur un clavier bien tempéré…
Puis l’illumination mystique se produit… Ma cascade et moi nous coulons l’un dans l’autre
Et je m’éveille, le nez dans les fleurs… Trop de beauté (en un seul jour) m’a estourbi…
Puis un chien-loup nous guide…
Jusqu’au lac hospitalier où nous passerons la nuit…
Nous quittons le pays Gentiane, puis le Cantal, pour le Puy de Dôme. L’accueillante campagne du Puy de Sancy nous encourage à poursuivre, malgré des prévisions météo désastreuses…
La chaîne du Sancy, par un temps incertain…
Montée progressive au Puy, point culminant du Massif-Central
Un chamois peu farouche prend congé de nous
Ayant passés trois jours à rechercher une améthyste, une cétoine nous console de notre échec…
Et dire que sous ce lac (Guéry) se cache un volcan actif…
Les crêtes du Sancy, à hauteur du Pas de l’âne
Paysages steppiques du plus haut sommet d’Auvergne
Glissade interdite
Refuge-Chalet du Sancy
Panoramas d’est en ouest, avec une palette riche en contrastes, paysage de toundra
Un petit col pierreux dans le Val de Coure
L’après-midi, nous voilà à l’affût des cascades du Mont Dore: Tout d’abord, la cascade du Queureuilh
Puis la cascade Rossignolet, originale pyramide à chevelure de quartz
Créant une étrange apparence oblique…
Une lucarne s’entrouvre sur le Mont Dore
Vue plongeante sur le Rossignolet
Puis notre intarissable soif nous conduit à la cascade du saut du loup, au bel écrin sauvage
Une falaise composite en fer à cheval
Pour finir ce séjour, de galvanisme volcanique et d’eau bondissante, nous nous rendons à la Grande Cascade, sur les hauteurs de Mont Dore. Un bien bel endroit, accessible par un petit sentier forestier. Une dernière fois, nous passons derrière le mur d’eau, pour ressentir ce frisson primitif…
La Grande Cascade impose ses trente-deux mètres de haut à nos cervicales…
Quand on le regarde de très haut, par exemple à partir d’une photo prise d’une station spatiale, on comprend que le massif Cantalien résulte d’effondrements successifs d’un unique cône volcanique. Il s’agirait même du plus grand stratovolcan d’Europe! Vestige d’un massif où l’érosion fluviale et glaciaire ont creusé de profondes gorges, nous y aurons admiré une large palette d’environnements: Tout d’abord de soyeuses collines en pente douce, flanquées de fortifications en ruine et de vierges protectrices. Puis de petites montagnes parées de genêts s’étoilant en un chapelet de vallées érodées, enfantant des étendues sans fin, des champs de lave pétrifiée, fronçant les sourcils du paysage. De là, à travers les gorges étroites et abruptes, se faufilent des centaines de cascades. Au cours de nos sorties, nous avons eu la chance d’en admirer quelques-unes et de scruter de nombreux rapaces, essentiellement des faucons. Et lorsqu’il était plus prudent de garder un œil rivé au sol, l’éclat du quartz rose nous tenait éveillés. Une fois de plus, ce spectacle devant lequel on s’est senti si petit, bien qu’il en découle une certaine élévation de l’âme, rendit ce grand pont du mois de mai tout simplement fabuleux.