Certaines villes émettent une mélodie étrange. A seulement prononcer leur nom, on se sent traversé d’une intrigante sensation. Taormina, Syracuse sont de celles-là. Antiques sonorités nous replongeant dans la mythologie d’une Europe éternelle, à travers les expressions d’un baroque furieux. Trois jours durant, nous ferons un usage immodéré de notre droit à la paresse. Trois jours de flânerie contemplative et de déambulations esthétiques. L’occasion d’admirer les vestiges d’un monde lumineux où la beauté dominait toute autre préoccupation terrestre. D’un monde plus respirable, plus vital que le nôtre, dans lequel habiter serait une pure folie. En arrière-plan, le mont Etna, constellé de villages en pierre de lave, fut le tombeau d’Empédocle. Lequel offrit son dernier souffle au feu de la terre et ne laissa que ses sandales, marquant à jamais d’une « pierre noire » l’idée de libre-arbitre.
Dix-ans après un séjour à Palerme, je retrouve la petite famille au sud-est de l’île. Nous nous rendons bien-sûr au chevet de l’Etna. Mais pas avant une brève visite de Taormina, « le balcon sur la mer » et son écheveau de ruelles pittoresques. Partis avant le pont du premier mai, nous pensions éviter la foule: Pari à moitié gagné! Le vieux quartier dégorgeait une foule dense. Pour ma part, j’avais perdu l’habitude de zigzaguer entre les touristes. Retour sur trois jours de flânerie sous des cieux azurés.
L’arc Alpin vu d’avion
Arrivée en ville. Un jour comme celui-ci, tout semble possible.
L’emblème étrange (et blême) de la Sicile. Ou comment prendre ses jambes à son cou
Fontaine de la Centaure, composée de chevaux marins à queues de poissons
Chevaux marins que voici
Les effusions de l’Etna: Un spectacle permanent
Un chameau qu’on prendrait bien pour une autruche
Le chœur baroque où la coupe du Graal fait office d’œuf à la coque
En 1361, un roi s’est abreuvé ici: Peut-être Frédéric III, dit le simple. Lequel était ainsi nommé en raison d’un certain manque d’habileté, qui pouvait confiner à l’ineptie.
Vue sur Taormina du théâtre Romain
Chaque petite ruelle est comme une invitation à la flânerie
L’église Saint-Pancrace honore le Saint-Patron de Taormina
L’échelle de Jacob
Je brûle d’aller fouler les pentes de l’Etna. Quel panache!
Demain matin, nous « brûlerons » nos semelles… Mais n’allons pas trop vite.
Naumachie de Taormine: Une coursive piétonne, parallèle au corso, cachée derrière une dizaine d’absides.
Braver, sans le savoir, une interdiction, justifie bien une petite moue, « à la Sicilienne »
Une rue sans terrasse c’est un peu comme une phrase sans verbe
Un lugubre présage
Bâtie sur les pentes du mont Tauros, la ville se surnomme: Le balcon sur la mer
Prenons un peu d’altitude. Le vent nous fouette le visage sur les crêtes; nous longeons un cratère, nous juchons sur un tumulus de cendres, d’où l’on peut admirer une enfilade de cônes volcaniques issus des quatre-vingt éruptions ayant eu lieu au cours du siècle. En raison de cette activité, les vulcanologues ont classé l’Etna dans la liste des 16 volcans de la décennie.
Near death experience
Les expéditionnaires prennent la pose après une brève grimpette. Si nous sommes à ce point couverts, c’est à cause du vent.
A 1800m d’altitude, vue sur le talon de la botte au loin, et sur les coulées pétrifiées au premier plan
Belle et insolite forêt de bouleaux décharnés aux contreforts de l’Etna
Autre vue sur les cimes, encore légèrement enneigées
Un milieu fascinant, semblable à une tourbière, donnant l’indice du micro-climat humide du volcan. Au-dessus de 1000m, le climat méditerranéen s’interrompt très brutalement; commence alors l’influence altimétrique de l’Etna, avec un taux d’humidité élevé et des températures négatives en hiver. En règle générale, l’activité volcanique joue un rôle majeur sur le fameux « bouleversement climatique ». Celle-ci est pourtant assez peu médiatisée, ce pour diverses raisons. On sait depuis longtemps que les aérosols sulfatés émis par les éruptions et dont le temps de résidence est d’environ un an dans la stratosphère, réfléchissent la lumière du soleil, ce qui se traduit par une baisse sensible de la température. Cependant, passé cette période de refroidissement, à moyen terme, c’est l’effet inverse qui se produit. En cause, la destruction à grande échelle de la couche d’ozone et le réchauffement de la haute-atmosphère par la vapeur d’eau.
Dernier coup d’œil sur le maître des lieux
Retour à Taormina. Vue arrière sur la côte, bordée par la station balnéaire de Giardini Naxos
Isola Bella et sa réserve naturelle, où l’on aperçoit la plage très convoitée du même nom. Adieu Taormina, direction Syracuse!
Au réveil, on fait son petit marché
S’en suit une promenade sur le front de mer
Santa Lucia de Syracuse est invoquée contre les maladies des yeux et les hémorragies. Elle est la patronne des maladies ophtalmiques, des opticiens, des ophtalmologues et des électriciens (!). Elle est l’une des trois saintes de Sicile: Elle à Syracuse, Agathe à Catane et Rosalie à Palerme. Quant à Rita, elle patronne pénard sur Cascia!
Basilique Santa-Lucia
De jolies rues pavées, des façades roses saumon, une aimable bise…
A l’intérieur de la cathédrale de Syracuse (Santa-Lucia) le plafond baroque de la chapelle du même nom
Autre prise de vue dans cette somptueuse chapelle
L’église Santa-Lucia alla Badia paraît surgir des profondeurs de la mer, tel un galion échoué
Que dire de ces chevauchées furieuses, exaltées, dans un royaume de boue et d’or
Diane domine de tout son long la « bataille navale »
Une rue qui a du piquant
Prêcher pour sa chapelle
Puis flâneries dans les ruelles
Une rue qui a du pot
Lors de l’attaque de Syracuse, alors colonie grecque, par la flotte romaine, la légende veut qu’Archimède ait mis au point des miroirs géants pour réfléchir et concentrer les rayons du soleil dans les voiles des navires romains et d’ainsi les enflammer. Je m’étonne qu’on n’ait jamais adapté cela au cinéma…
Escalier du palais Borgia
Quelques arbres centenaires jouxtent des lampadaires nains
Un mât à décrocher les astres
Le temple d’Apollon, aux portes d’Ortigia, où se déroulent des réunions de copropriété
Une visite qui a tourné court
Cueillette dans les « corso »
Une nef à découvert
Les carrières – ou Latomies- de Néapolis, offrent un paysage pittoresque, avec de petits airs malgaches
Étrange rêverie flottante, évoquant une toile de Chirico
Un artiste Polonais propose une variation mythique, entre Icare femelle et Hercule cuivré
Les falaises de la carrière antique sont singulièrement déchiquetées
Titan se reposant sur ses lauriers
Théâtre Romain plutôt bien conservé: Aujourd’hui on se divertit de l’arène elle-même.
Un Icare fracassé, « éclaté au sol » comme diraient les jeunes
Hélas, l’amphithéâtre grec n’était pas présentable, pour cause d’installations, mais quel régal que ces latomies!
Curieuse mise en scène, sous des lambeaux de pierre…
L’oreille de Denys ou les pires crimes sadiques du tyran furent commis
Ouvre tes ailes et élance-toi…
La caverne aux statues
Après cette visite captivante de Néapolis, nous faisons route vers l’aéroport de Catane, avec un maximum de marge. Quand j’avais visité Palerme, le mercure avait atteint les 40 et je buvais 3 à 4 litres d’eau par jour. Fin avril, le Mercure oscillait entre 18 et 24, ce qui nous a permis de marcher du matin au soir, sans trop rechercher l’ombre. Par contre, certains sites m’ont paru légèrement surcotés, surtout à Syracuse, et la gastronomie n’est plus ce qu’elle y était… A cette période de l’année, il y a déjà foule. Pour ce qui est du tour organisé sur l’Etna, je dirais qu’il présente peu d’intérêt pour une personne habituée des volcans. Des pauses bien inutiles au chalet, une visite peu convaincante de grottes, un didactisme espiègle et une marche d’approche d’intérêt mineur: Je conseillerai d’y aller par soi-même. Étant donné que le volcan n’est pas dangereux, s’agissant d’un cratère effusif et parce que les coulées de lave se déversent sur le versant sud-ouest, une simple recherche d’itinéraire préalable suffira amplement en vue d’une excursion. Par contre, on ne le dira jamais assez, prenez garde au brouillard!
Le Corso, menant de la porte de Messina et la porte de Catania, fourmille de touristes du matin au soir. Il n’est pas interdit de faire un pas de côté et de découvrir les veinules charmantes de la petite cité. Et il y a de quoi faire! Chaque passage recèle son lot de curiosités, entre magasins de poupées, terrasses ombragées de bar à vins ou de restos… Rarement vu une telle densité de restaurants au mètre carré, rendant le choix parfois très compliqué.